Guilty

Auteur : Helios
E-Mail : helios14@free.fr
Catégorie : romance, missing scene
Saison : 8, juste après Gemini
Raiting : aucun
Date d’écriture : décembre 2005

Archive : à ne pas publier sans mon autorisation (envoyez-moi un email je dirai sûrement oui).
Disclamer : Stargate is a register trademark of MGM/UA and showtime-online. I’m not intending to discredit the actors, writhers or anyone involved with Stargate. It is purely a fan fiction and nothing else. This story is not making any profit, it is strictly for entertainment.

Note de l'auteur : merci à Gjc pour son aide, à Hito pour ses corrections. C’est une minuscule fic, sans ambition, elle m’a prise après avoir revu l’épisode

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J’appuie du bout du doigt sur le petit bout de citron. Doucement, très doucement. Il descend dans le goulot de la bouteille de bière et, d’un dernier petit coup d’ongle, je le pousse dans le liquide doré translucide. Des fines bulles remontent à la surface.

Je lève les yeux à nouveau. Le bar se remplit petit à petit. Des volutes de fumée montent lentement des cendriers disséminés ça et là. Deux hommes s’installent à la dernière table de billard libre.

L’un d’eux m’a souri. Gentiment.
Je lui ai rendu son sourire. Froidement. Comme elle le fait, elle.
C’est assez simple en fait, il a compris tout de suite et s’est détourné.

J’observe les joueurs du coin de l’œil. Celui-ci devrait décaler sa queue de billard d’une dizaine de degrés s’il….

Respire. Arrête de penser à des bêtises. C’est avant qu’il fallait penser ma grande. Quand le sort de la galaxie dépendait de ton petit cerveau. C’est à ce moment-là qu’il fallait faire fonctionner les précieuses méninges que le gouvernement paye si cher.

Ce nœud dans mon estomac, encore. Je ne sais pas s’il partira un jour maintenant.
J’ai honte. Honte d’être là, dans ce bar, avec des gens qui me sourient alors qu’ils ignorent ce que je viens de faire. J’aurais presque envie de monter sur le bar pour le crier au monde.

Crier quoi ? « Youhou, je suis membre d’une branche secret de l’armée en liaison avec les extra-terrestres et aujourd’hui j’ai fait une grosse grosse boulette…. Oui oui, pire que de bloquer la photocopieuse….
Voilà, j’ai donné à un crabe extraterrestre à forme humaine – qui me ressemble en plus parce que son créateur est amoureux de moi, mais c’est une autre histoire…- le moyen de tous nous détruire !! Oui oui !! Toi aussi, la grande bringue dans le fond qui susurre des mots d’amour à l’oreille de ce type qui ne t’écoute pas !! »

Je suppose que c’est à ce moment-là que le patron refuserait de me resservir et me mettrait gentiment dans un taxi.

Pathétique.

La bière ne parvient pas à me réchauffer. Je ne vais quand même pas demander un rhum et me saouler ici, à quelques kilomètres de la base.

Je ne devrais pas être ici. Je devrais être chez moi, blottie sur mon canapé, avec Pete qui me masserait les pieds.

La scène me fait sourire amèrement.
La scène ne devrait pas me faire sourire amèrement. Pas à quelques semaines de mon mariage.

De plus en plus pathétique ma pauvre fille.
Il faudrait savoir. C’est ce que tu voulais, non ? Une vie hors de la base. Un garçon adorable qui m’attende, m’écoute, comprenne.

M’attende ? Pendant trois semaines parce que je suis torturée sur une base Goa’uld ?

Ecoute quoi ? « Désolé, chéri, je ne peux rien te dire, c’est secret-défense. »

Comprenne ? Comprenne quoi ? « Mais oui ma chérie, je sais bien… Mais c’est pas grave…. Après tout, si le monde doit disparaître, le monde doit disparaître, c’est tout…. Et puis bon, après avoir sauvé le monde 5 fois (Teal’C a dit 6, non ?), tu as bien le droit de causer sa perte au moins une fois, non ? »

Tiens, ma bière est déjà vide.

Je lève la main, le garçon m’aperçoit et je lui indique la bouteille. Il acquiesce, la seconde est en route.
Après tout, ma maison est vide. Je n’ai rien dans le frigo. Et Pete ne sera pas là ce week-end. Alors…..

Je me pelotonne un peu plus contre la banquette, dans mon petit coin sombre. J’ai toujours froid. J’ai été stupide de laisser ma veste à la base, je suis gelée avec ce pull.

Oui, décidemment je deviens très stupide.

Je voudrais tellement arrêter de penser parfois. Que mon esprit s’arrête, fasse une pause et moi avec. Je voudrais que les chiffres arrêtent de tourner, les équations, les formules, les rapports de mission, les visages, les morts….
Je voudrais pouvoir fermer les yeux, poser la tête comme cela sur le cuir de la banquette et écouter le vieux rock doux dispensé par le juke-box fatigué.

Je voudrais pouvoir penser à Pete, à mon mariage, me demander où je vais aller choisir ma robe et si Cassy sera là pendant les vacances pour venir avec moi.

Je voudrais pouvoir fredonner la musique, sourire, et ne pas voir son visage à ELLE derrière mes paupières closes. Ce visage que je hais et que je verrai tous les jours dans mon miroir.

Je voudrais me réjouir, et ne pas avoir à ravaler des larmes.

- Carter, je peux m’asseoir ?

Lui. Devant ma table, avec un demi et ma seconde bière à la main.
Je n’ai même pas sursauté. Sa voix a parfois une douceur infinie qui ne dérange pas le silence.

J’ai voulu sourire mais je doute avoir réussi. Je désigne la chaise d’un air las :
- Je vous en prie mon général.
Il pose les boissons, ôte sa veste en cuir et s’installe en face de moi.
- Daniel a essayé de vous joindre, en vain.
Mon Dieu, mon portable ! J’ai éteint mon portable !!! Il a anticipé mon mouvement vers mon sac et à posé sa main sur la mienne pour m’arrêter.

Sa main. Sur la mienne. Sa main si chaude sur la mienne, si froide.
- Ne vous inquiétez pas, c’était juste pour savoir si vous vouliez dîner avec lui, aucune urgence intergalactique.

Il retire sa main sans me quitter des yeux. Le bout de ses doigts a glissé une fraction de seconde sur le dos de ma main.

Je ne veux pas savoir pourquoi cet instant prend des allures d’éternité.
Je ne veux pas savoir pourquoi ce poids sur mes épaules est soudain un peu, un tout petit peu moins lourd.

Il sourit, tristement. Il lève son verre :
- Vous ne m’avez pas attendu pour la première, mais on peut peut-être trinquer pour la seconde ?
- Et à quoi voudriez-vous trinquer ?
Il hésite, sourit :
- A la 47ème rediffusion des Simpsons ?

Je ris. Oui, je veux bien trinquer à cela. Nos yeux s’accrochent au-dessus des verres. Son regard est toujours si brun, si chaud, et si triste.
Les verres s’entrechoquent doucement. Et nous avalons chacun une gorgée de liquide.
J’aurais du prendre un grog en fait. Le liquide froid me fait frissonner. Le général fronce les sourcils :
- Vous m’avez l’air réchauffée.
- Pas vraiment. J’ai laissé ma veste dans les vestiaires, je pensais que le pull suffirait.
- Carter, on est en octobre…..
- Je sais, c’était stupide.
J’ai dit cela sèchement. Trop sèchement. Il hausse quasi imperceptiblement les sourcils mais ne fait aucun commentaire. Il se détourne un peu et prend sa veste sur son dossier, me la tend.
- Tenez, mettez ça.
Waou. LA veste en cuir de Jack O’Neill.
Impossible.
- Merci mon général, mais vraiment je….
- Mais vraiment vous semblez gelée alors qu’il fait au moins 20 degrés dans ce bar. La dernière chose dont j’ai besoin, c’est de scientifiques enrhumés. Alors mettez ça et ne m’obligez pas à vous l’ordonner.
La douceur de sa voix dément ses propos. Je souris, vaincue avec plaisir. La veste est lourde, épaisse. Chaude. Je la pose quasi religieusement sur mes épaules. Je me pelotonne dedans, m’empêchant de fermer les yeux pour respirer avec délectation le parfum qui en émane. Son parfum.

Je suis là, à fantasmer comme une adolescente qui a récupéré le t-shirt d’une star du rock, alors que je suis une militaire à la trentaine très très avancée qui se marie dans quelques semaines. Avec un autre. Cherchez l’erreur.

Je serre le poing sur la table. Pourquoi faut-il toujours que je réfléchisse, au lieu de ressentir, tout simplement.
Il se met à parler, d’un ton étrangement badin, détaché.
- Vous venez souvent ici ?
- Non. Du tout en fait. Pas depuis…
- … quatre ans.
- Oui.
Le sourire de connivence a instantanément fait place à une gêne palpable. Il détourne les yeux, je plonge les miens dans ma bière.
Quatre ans. Les bracelets. La bagarre dans le bar. La mission. Le bouclier. Le test Zatarc.
On n‘en sortira donc jamais.
C’est amusant que ce soit ici que je sois venue en fait. Justement ici.
- Et comment m’avez-vous trouvée d’ailleurs ?
- Qui vous dit que je vous cherchais ?
Il me cherchait. Nous le savons tous les deux.
- Alors que veniez-vous faire ici mon général ?
- Je ne sais pas, voir si j’étais encore capable de mettre cet établissement à sac même sans l’aide de cette fichue Tok’ra.
J’ai fait une petite grimace amusée. Il se reprend :
- … enfin, sans vouloir offenser votre père, hein !
- Et alors, vous voulez un peu d’aide ?
- Pour quoi faire ?
- Pour mettre le bar à sac.
- Carter, vous me sous-estimez.
- Jamais.
Le temps est suspendu un instant. C’est sorti tout seul. C’est tellement sincère. Tant pis. Une étincelle dans le brun de ses yeux, un bref instant. Puis son sourire s’élargit.
- Merci. Et en fait oui, je vous cherchais.
Sa voix est douce, posée. Je regarde le bout de citron tourner lentement dans ma bière. Ça y est, nous y voilà. J’ai l’impression d’être une gamine acculée qui sait d’avance qu’on va lui faire la morale et qui voudrait pouvoir disparaître. Instinctivement, je me pelotonne davantage dans sa veste.
- Je ne sais jamais comment faire pour que vous me preniez au sérieux.
Quoi ??
- Mais je vous prends très au sérieux, mon général !
- Oui…. Et non. Quand vous avez une idée, logée dans votre fichu cerveau à je ne sais combien de millions de dollars, je peux dire n’importe quoi vous n’en démordez pas.
- Mais…. Je ne comprends pas, j’ai toujours suivi vos ordres, je fais tout pour…
- Je ne parle pas des ordres Sam. Je parle… des conseils d’ami.
Sam. Donc, c’est Sam. Il attaque par ce flan là, là où il me sait la plus fragile, la plus sensible.
- Je pense les écouter encore plus que les ordres… Jack.
Son prénom. C’est si rare de pouvoir le prononcer, si rare qu’il m’en donne l’implicite permission. Les secondes commencent à s’égrainer à partir de cet instant, secondes magiques d’un moment hors du temps où nous sommes deux amis dans un bar un vendredi soir.

Deux amis… des conseils d’amis…..

- Vous ne m’avez pourtant pas écouté aujourd’hui.
Aujourd’hui ?? Il continue :
- Je vous ai dit que ce n’était pas de votre faute.

J’ai fermé les paupières un instant sous la douleur qui m’enserre à nouveau le cœur. Son visage s’impose à moi, ses traits durs. MES traits durs. MON sourire. Ma froideur.
- Elle n’est pas vous.
- Je vous l’ai dit. Elle l’a trahi car il lui a appris la trahison. Et c’est moi qui la lui ai apprise en premier lieu.
- Parce que JE vous l’avais ordonné. Sur cette foutue…
Il fait un geste de la main. Bien sûr nous sommes seuls dans ce coin du bar, bien sûr il y a de la musique, bien sûr personne n’écoute… mais on ne va quand même pas se mettre à évoquer d’autres planètes ici !!
- … bref, c’est moi qui vous ai ordonné de l’abandonner.
- Mais c’est moi qui ai si bien joué la comédie, et c’est grâce à moi qu’elle sait si bien la jouer aujourd’hui. L’élève a dépassé le maître, je me suis faite avoir dans les grandes largeurs.
Il soupire, un sourire à la fois fatigué et amusé sur ses lèvres fines.
- Elle vous a eu car elle savait où vous toucher. Elle savait quoi évoquer. Teal’C m’a raconté, qu’elle avait parlé de votre enfance, de votre mère…
- Avec tout le respect que je vous dois, je ne suis pas payée pour me laisser apitoyer par des souvenirs d’enfance quand tant de choses en dépendent.
J’ai répondu assez froidement. Je ne sais pas, l’évocation de ma mère sûrement. Je ne supporte pas qu’on me rappelle cela. Et qu’on me rappelle qu’elle s’en est servi.
- Parce que vous pensez que c’est une faiblesse ?
Je serre ma bière dans la main. Comment fait-il ? Comment a-t-il toujours fait pour lire si bien en moi ? C’est… effrayant.
- Je n’ai en tous cas pas le droit de laisser l’ennemi utiliser ces faiblesses.
- Ce n’est pas une faiblesse. C’est ce qui fait votre humanité. C’est ce qui vous rend justement différente d’elle.
- Et si…. Inférieure.
- Pardon ?!?
Il a froncé les sourcils. Il a, lui aussi, serré la main autour de son verre. Finalement, on va peut-être l’avoir, la bagarre au O’Malley….
Il pointe son doigt vers moi et articule froidement :
- Vous n’êtes pas et ne serez jamais inférieure à cette….. machine. Si intelligente soit-elle. Et ce parce que, justement, elle n’est et ne restera jamais qu’une machine. Et c’est ce qui lui manque, justement, cette humanité.
- Vous donnez dans la psychanalyse de réplicateur ?
Un éclair de colère a brillé dans ses yeux bruns. Il déteste qu’on lui réponde, a toujours détesté. Mais c’est l’humour qui l’emporte, il se détend et sourit.
- Non, dans la psychanalyse de Carter.
Je souris à mon tour. Je soupire :
- Je ne pourrai plus vous être utile contre elle. Et puis… j’en ai déjà assez fait je crois. Elle prévoit toutes mes réactions, elle connaît tous mes sentiments.
- J’ai vu les enregistrements du site Alpha avant de quitter la base…. Pourquoi lui avez-vous encore laissé… faire ce truc, vous savez…..
Il fait un geste éloquent de la main avec une grimace de dégoût. C’est sûr, se faire fouiller le cerveau n’est pour personne un bon souvenir.
Les images me reviennent… Daniel qui s’effondre…. Siler…. Et…….
Ma respiration s’accélère. J’ai baissé les yeux. Je sens le rouge me monter aux joues, de confusion et de douleur. Quand je le regarde à nouveau, il me fixe intensément et je sais que je devrai répondre. Les mots ont du mal à franchir le barrage de mes lèvres, c’est à peine un murmure que j’arrive à exhaler :
- Elle m’a montré… enfin…. Elle a feint de me montrer ce que…. Ce qu’IL lui avait fait subir. Maintenant, je sais que c’était faux, ou qu’en tous cas les émotions qu’elle a prétendu ressentir étaient fausses… Mais…. Cela semblait si réel…. Si conforme à ce que j’aurais ressenti moi….
- Ecoutez, si elle vous a fait revivre des moments douloureux, ou personnels… enfin, vous devriez peut-être aller voir ça avec Mac Kenzie….
Il se passe nerveusement la main dans les cheveux et continue, gêné :
- … enfin, comprenez moi bien, hein… Moi je ne demande rien… C’est vous qui voyez….
- Ce n’était pas personnel… Enfin si, mais c’était au SGC.
Je ne sais pas pourquoi j’ai dit cela. Je n’avais pas à dire cela. Je n’avais pas besoin de parler, d’expliquer. Je sens le sang battre à tout rompre dans mes tempes. Il a plissé les yeux légèrement, a froncé les sourcils. Ses pupilles sombres me fixent. J’en ai trop dit. Je ne veux pas en dire plus. Il ne veut pas en entendre davantage. Mais j’en ai trop dit.
- Elle a été… entraînée. A tuer. A…. vous tuer. Je l’ai vue…. Tuer. Daniel… Siler…. Et…
Je n’arrive plus à respirer, mon estomac est noué. Les images sont si atroces, si présentes. Je ne devrais pas le lui dire…. Je ne devrais pas…..
- C’était si…. Réel. Les visages, les sensations, l’impression…. La torture…. Elle m’a fait vivre cela…. Etre là, et devoir le faire, ne pas avoir le choix…. Et vous êtes arrivé et vous aussi j’ai du….. Elle m’a fait croire qu’elle n’y arrivait pas, qu’elle non plus n’aurait pas pu…. Vous tuer. Et que pourtant je l’ai fait.
Je sens les larmes monter dans ma gorge. Il les entend. Il me regarde, dans une immobilité atroce. Je lis dans ses yeux bruns, presque noirs à présent, qu’il sait.
Voilà pourquoi ce n’est pas à Mac Kenzie que je pourrais le dire. C’est parce qu’il n’aurait pas compris. Alors que je vois que lui comprend toute l’intelligence de ce réplicateur.

Et soudain sa main est à nouveau sur la mienne. Et sa voix est douce, comme son regard, doux et triste :
- Sam, VOUS ne l’avez pas fait. Vous ne le feriez jamais. J’ai déjà remis ma vie entre vos mains et je le referais sans la moindre hésitation. C’est ELLE, elle s’est servie de vous et de vos….
Il s’est arrêté. Il ne l’a pas dit. De vos « sentiments ». Non, cela a été dit il y a quatre ans, c’est tout, cela ne le sera plus.
Ses yeux se sont posés un quart de seconde sur ma main gauche. La bague. Et soudain sa main n’est plus sur la mienne, son visage est à nouveau totalement détaché et il se recale contre son dossier, avalant une gorgée de bière.

Voilà. Le moment est passé. Un de plus sur une liste trop longue. J’acquiesce doucement, et nous finissons nos bières en silence.

Nous savons tous les deux nous arrêter à temps, avant. Avant quoi ? Je ne le saurai sûrement jamais.


FIN (si si, je vous assure !)