Avoir l'autre

Auteur : Helios
E-Mail : helios14@free.fr
Catégorie : scène manquante à la guimauve (suite de ma fic "essayage")
Saison : saison 8, juste avant la scène finale de Threads ("pour la vie")
Raiting : aucun
Date d’écriture : août 2005

Archive : à ne pas publier sans mon autorisation (envoyez-moi un email je dirai sûrement oui).
Disclamer : Stargate is a register trademark of MGM/UA and showtime-online. I’m not intending to discredit the actors, writhers or anyone involved with Stargate. It is purely a fan fiction and nothing else. This story is not making any profit, it is strictly for entertainment.
Notes de l’auteur : à Gjc pour le titre et le merveilleux fou rire sur Msn

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Je fais les mêmes gestes. Comme si rien n’avait changé.

Comme s’il n’était pas mort.

Comme si le soleil n’avait pas pris une autre teinte ce matin.
C’est stupide. Rien n’a changé. IL n’était jamais là. Il était même bien plus loin ces quatre dernières années qu’il ne l’avait jamais été avant.

C’est faux. Il était au contraire bien plus proche. C’est ce qui rend tout si douloureux. Ce qui fait que la lumière n’est pas la même. Ce qui creuse une absence dans ma vie ce matin. Une absence qui durera. Une absence qui s’ajoute à son absence à elle depuis toutes ces années.

Un vide. Un creux dans mon être. Moins douloureux que celui d’il y a longtemps. Car j’ai grandi. Mûri. Compris quelle était leur vie et les sacrifices qu’ils avaient pu faire. J’ai fait les miens.

Moins douloureux car la fin a été moins brutale. Car j’ai pu partager ses derniers instants et entendre ses dernières paroles. Qui ont été pour moi, une dernière fois.

La maison est silencieuse. Elle semble respecter mon deuil et ma tristesse. J’erre de pièce en pièce, mon café à la main. Je me réapproprie cet espace dans lequel je suis si rarement. Dans lequel je serai bien plus souvent dorénavant.

Je fais les mêmes gestes. Tout change. Tout a changé.

Je suis dans ma chambre. J’ai sorti les cartons hier soir. Je dois juste les remplir. Faire le vide là aussi. Mais sans douleur cette fois.
Je pose ma tasse vide sur ma commode et ouvre le premier tiroir. Il y avait mis peu de choses. Quelques vêtements de rechange. Une petite trousse de toilette de voyage. Un livre. Je récupèrerai ses cd et son dvd dans le salon. Ces objets devraient être chargés de souvenirs eux aussi et pourtant je ne ressens rien.

Aucun doute. Plus aucun doute depuis que je lui ai parlé. Je sais que j’ai eu raison. Quoi que l’avenir me réserve, j’ai eu raison.

Je finis par la petite boite de velours sur ma table de nuit. Je regarde une dernière fois ce bijou. Mon cœur ne se serre même pas. Comme si ce passé n’était déjà plus le mien. Je referme l’écrin qui claque avec un bruit sec.

Je souris. J’ai déjà entendu ce bruit. Ma vie amoureuse se résume au claquement d’un écrin sur une question sans réponse.

Tant pis. Papa m’a appris que le bonheur pouvait venir quand on ne l’attendait plus.

Je retourne au salon, le carton sous un bras et ma tasse dans l’autre main, quand on frappe à la porte.

Je pose tout sur le comptoir de la cuisine et me tourne vers l’entrée.

C’est lui. Je reconnais sa stature à travers la vitre dépolie. Je le reconnaîtrais même rendue aveugle et sourde.

Je me demande un instant si c’est parce qu’il a perdu à la courte paille qu’il se retrouve devant ma porte en ce samedi matin…

Je vais ouvrir. Il est en jean et t-shirt noir. Aussi irrésistible que toujours. Il a ce sourire triste qui adoucit encore son visage.

- Bonjour mon général.
- Carter. Je suis juste passé voir… Enfin….

Il lève les yeux au ciel, fait un geste évasif de la main, là où Daniel aurait casé tout un discours. Je n’ai pas besoin de plus. Je souris enfin :

- Je vais bien mon général. Entrez, je vous en prie.
- Ecoutez, je ne voudrais pas….
- Vous ne me dérangez pas. Entrez vous dis-je.

Je le précède dans la cuisine et demande en me retournant :
- Un café ? Il est tout prêt.
- Oui, merci.

Je lui verse une tasse. Je vois son regard qui s’attarde sur le carton posé sur le comptoir. Il ne demande rien, comme toujours. Mais je le lui dis quand même, car s'il est au monde une personne qui a le droit de savoir, c'est bien lui :
- Ce sont les affaires de Pete.

Il fronce les sourcils. Il ne comprend pas ou n’ose pas comprendre. Il demande d’un ton faussement détaché :
- Ah, c’est lui qui s’installe ici finalement ?
- Non. Ce sont toutes les affaires qu’il avait ici. J’ai rompu il y a trois jours.

Un silence. Très court. Juste le temps pour lui de pousser un très léger soupir qu’il pense que je n’ai pas remarqué. Je le remarque toujours. Sa voix, toujours si détachée :
- je me disais aussi que ça faisait peu d’affaires pour quelqu’un qui s’installe.

Je souris. Je me ressers un café. Je suis plus fatiguée que je ne veux me l’avouer.

Nos yeux se croisent. Il semble vouloir soudain sonder mon âme, puis l’instant d’après baisse le regard et le plonge dans son café noir :
- Vous êtes sûre… Je veux dire…. Avec le décès de Jacob, vous ne devriez peut-être pas vous précipiter, vous…
- Je suis sûre, mon général. Je ne regrette que de l’avoir fait souffrir.
- Ah.

Pour n’importe qui, il apparaîtrait en cet instant comme l’image même du calme et de la décontraction. Tranquillement assis sur mon tabouret de bar, à jouer négligemment avec sa cuillère, son regard brun perdu dans les volutes du breuvage encore brûlant.

Pour moi, il est au comble de la nervosité. Ses lèvres fines très légèrement pincées. Le mouvement rapide et quasi imperceptible de son doigt sur le bois du comptoir. L’arc léger de ses sourcils.

- Kerry a rompu elle aussi. Je n’étais pas assez… disponible je crois. Sentimentalement.

Sa voix si calme. Si tranquille. Comme s’il annonçait le score du match de hockey de la veille. Non, il serait plus enthousiaste pour un score de hockey.

Ces quelques mots qui m’ont parcourue comme une décharge, me faisant crisper la main sur la tasse. Je ne peux détacher mes yeux de lui. Il continue de regarder son café. Le nœud soudain dans ma gorge ne m’autorise qu’à répondre une chose :

- Ah.

Il lève les yeux, me sourit d’un air engageant :
- Enfin, je ne suis pas venu vous ennuyer avec tout ça. J’étais juste passé voir… comment vous alliez.
- Ça va aller. Je vous l’ai dit, vraiment ça va aller.
- Bien. Et je…

Il s’est tu tout à coup. Ses yeux sont posés sur quelque chose un peu plus loin dans la maison. Je suis son regard.

La housse. Encore accrochée à l’extérieur du dressing, telle que je l’avais laissée quelques jours plus tôt, quand le magasin l’avait enfin livrée.
La déballer et l’essayer n’avait pas été, pour de multiples raisons, ma priorité.

Nous la regardons tous deux. Puis je reporte mon regard sur Jack qui fixe toujours la grande housse blanche marquée du logo du magasin. On devine la robe à l’intérieur. J’explique :
- Ils me l’ont livrée la semaine dernière. Je vais devoir la rendre.
- Ah.

Cela semble être la réplique culte de la matinée.

Je le vois froncer les sourcils. Pencher la tête. Il hésite. Ouvre la bouche, la referme, puis se décide :
- Je peux….
Il fait un geste vague vers la housse. Je ne comprends pas vraiment… Je réponds tout de même :
- Oui oui, si vous voulez.

Il se lève et gagne l’enveloppe plastifiée. Il fait jouer avec gravité la fermeture éclair. J’ai fait le tour du bar et le regarde. Le temps semble suspendu. Son regard parcourt rapidement la jupe large, ornée de légère dentelle. Le bustier chargé. Le voile qui pend sur son cintre, avec ses perles. Toutes ses perles.

- Ce n’est pas la même.
C’est une affirmation. Il me jette un rapide coup d’œil, j’acquiesce. Il regarde la robe encore quelques instants, puis referme la housse tranquillement et revient s’asseoir devant son café. J’ai refait le tour du bar, je suis à nouveau en face de lui. Cette fois il ne baisse pas les yeux, cette fois il les plonge dans les miens :
- L’autre était… mieux.
- Je sais.

Il hausse les sourcils. Il ne comprend pas. Je prends une grande inspiration :
- Je préférais aussi l’autre. L’autre était… ce que je voulais.
Il continue de me regarder. Nos cafés refroidissent sans que nous ne leur prêtions plus la moindre attention.

- Alors… Pourquoi….
- Parce que…. Je pense que je savais déjà, quelque part que ce n’était pas… le mariage que je voulais vraiment. Je voulais… l’Autre.

Silence.

- Ah.

Je ne peux m’empêcher de sourire. Il fait de même. Le silence à nouveau. Confortable, agréable. Tellement simple tout à coup, tellement léger.

Il boit son café lentement. Je lui prends la tasse des mains quand il la repose et nos doigts se frôlent brièvement. Mais suffisamment pour que nous soyons parcourus par un léger, si léger frisson de bien être.

Il se lève :
- Carter…. Je vais vous laisser…. Je….

Il se passe nerveusement la main dans les cheveux. Nous sommes devant la porte d’entrée, face à face, si proches. La profondeur de son regard me coupe le souffle quand il demande, d’une traite :
- J’ai invité Daniel et Teal’C à venir passer quelques jours dans mon chalet. Est-ce que vous….
- Oui.

Le mot est sorti tout seul. Comme une respiration nécessaire et bienfaitrice.

Il reste un instant parfaitement immobile. Puis un magnifique sourire vient se dessiner sur ses lèvres. Je ne l’ai jamais vu… si calme je crois. Serein. Comme si les démons qui passent si souvent dans ses yeux bruns avaient soudain fui, lui laissant un regard encore plus pur, plus profond.

Il ouvre doucement la porte, fait un pas dehors, s’arrête, se retourne vers moi et murmure avec un regard pétillant de malice :
- Demandez un avoir pour la robe. On ne sait jamais.

Il s’éloigne. Tant de choses ont changé en fait.

FIN