A SA PLACE

Auteur : Helios
E-Mail : helios14@free.fr
Catégorie : romance Sam/Jack (300%)
Saison : saison 7, mais Pete n'existe pas (ah ! ça fait du bien rien qu'à l'écrire !)
Rating : aucun
Date d’écriture : septembre 2004
Archive : à ne pas publier sans mon autorisation (envoyez-moi un email je dirai sûrement oui).
Disclamer : Stargate is a register trademark of MGM/UA and showtime-online. I’m not intending to discredit the actors, writhers or anyone involved with Stargate. It is purely a fan fiction and nothing else. This story is not making any profit, it is strictly for entertainment.
Notes de l’auteur : Un grand merci à Témérah et Hito pour leurs conseils et soutien !

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Jack et Teal’C s’étaient assis dans l’herbe depuis un moment. Daniel et Sam continuaient leurs relevés depuis plusieurs heures maintenant, au grand désespoir du colonel O’Neill qui s’ennuyait ferme. P7X534 s’était avérée être une planète charmante, à la végétation luxuriante… et couverte de ruines. Jack savait déjà qu’ils allaient devoir y revenir souvent et cherchait désespérément un moyen d’y envoyer une autre équipe SG à leur place. Mais il doutait que Daniel soit d’accord pour ne pas revenir lui-même.
O’Neill regarda sa montre et bondit sur ses pieds.

- Bon, et bien, c’est l’heure d’envoyer notre message, je retourne à la porte. Je les préviens que nous rentrons.

Daniel se retourna vers lui, furieux :

- Ah non, ça ne va pas recommencer ! Nous sommes devant des vestiges d’une importance cruciale pour mes recherches sur la technologie des Anciens, il est hors de question que…
- Ca va, ça va, je plaisantais !

L’archéologue secoua la tête, désabusé, et se replongea dans son travail. Sam sourit en regardant Jack soupirer et partir vers la porte des étoiles.

Quelques minutes plus tard, O’Neill enclencha son transmetteur :

- O’Neill pour la base. Tout va bien, le docteur Jackson et le major Carter s’amusent comme des petits fous, aucune présence détectée. Surtout, si vous voulez qu’on rentre, n’hésitez pas à le dire, je m’ennuie ferme.
- Une minute colonel O’Neill, le général Hammond veut vous parler.

Jack fronça les sourcils. La voix de Hammond lui parvint quelques instants plus tard.

- Colonel, vous arrêtez les recherches et vous et le reste de SG1 rentrez immédiatement au SGC.
- Mon général, je plaisantais quand je disais que…
- Moi je ne plaisante pas. J’ai… enfin, il faut que vous rentriez.
- Un problème ?
- Nous vous attendons.
- Bien mon général. Nous serons là d’ici quinze minutes. Fin de transmission.

Jack repartit au pas de course vers le site. Que pouvait-il se passer sur Terre ? Normalement, c’était plutôt les équipes qui demandaient à rentrer après avoir essuyé quelques tirs de jaffas !

- Bon, on plie bagages et on rentre.
- AH NON ! Jack, j’en ai assez ! Sam, dites-lui que nous ne pouvons pas travailler dans ces conditions !
- Ah ! Taisez-vous Daniel ! Je n’y suis strictement pour rien cette fois, c’est le général Hammond lui-même qui nous ordonne de rentrer immédiatement.

Sam, Daniel et Teal’C le regardèrent étonnés et rangèrent rapidement le matériel.

- Que se passe-t-il, mon colonel ? demanda Sam.
- Aucune idée Carter, Hammond ne m’a rien dit de plus. Il exige juste que nous rentrions.
- J’espère que nous n’avons pas été attaqués…
- J’espère aussi. En route.

Les quatre coéquipiers et amis retournèrent au pas de course vers la porte. Quelques instants plus tard, ils arrivaient dans la salle d’embarquement du SGC, à quelques milliers d’années lumière de là.

La base ne semblait pas en état d’alerte, cependant le général Hammond les attendait en personne. Les membres de SG1 remarquèrent instantanément son air sombre. Hammond se dirigea immédiatement vers eux. Dépassant Jack sans lui accorder un regard, il s’arrêta devant Sam :
- Major, suivez-moi, je dois vous voir dans mon bureau. Seule.
- B… bien mon général.

La jeune femme, en passant devant O’Neill qui la regardait étonné, lui fit signe en haussant les épaules qu’elle ne comprenait pas plus que lui ce qui se passait. Quand elle eut disparu derrière Hammond, Jack se tourna vers ses coéquipiers :

- Vous savez ce qu’il y a ?
- Non, répondit Daniel, je n’en ai aucune idée ! Et Sam non plus a priori, elle semblait aussi surprise que nous.
- Bon, on passe à l’infirmerie et on essaye de savoir ce qui se passe.

Un quart d’heure plus tard, Daniel, Teal’C et Jack se dirigeaient vers leurs quartiers quand la porte de ceux de Sam s’ouvrit à quelques mètres d’eux. La jeune femme en sortit, un sac de voyage sous le bras. Elle était à présent en civil, en jean et veste de cuir. Sam se dirigea sans les voir vers l’ascenseur en courant et disparut au bout du couloir avant qu’ils n’aient pu faire un geste.

Ses yeux bleus étaient rougis par les larmes.

Les trois hommes restèrent pétrifiés, puis, d’un seul élan, se précipitèrent vers le bureau de Hammond.

Jack frappa à la porte et attendit à peine la réponse pour faire irruption dans la pièce, suivi de Teal’C et Daniel.

- Mon général, on vient de croiser Carter, que se passe-t-il ??

Le visage d’Hammond était défait. Il resta assis dans son fauteuil. Il semblait soudain plus âgé, plus fatigué.

- J’ai eu à apprendre à Sam… au major Carter… une terrible nouvelle. Son frère Mark et sa belle-sœur ont trouvé la mort ce matin dans un accident de voiture à côté de leur domicile de San Diego.
- Mon Dieu… murmura Daniel.

Les quatre hommes restèrent muets quelques instants. Puis Daniel se laissa tomber sur un siège. Jack et Teal’C étaient parfaitement immobiles, figés. O’Neill demanda soudain :

- Et les enfants ? Ils ont deux enfants, non ???
- Les enfants vont bien. Ils n’étaient pas dans la voiture. Ils sont toujours à l’école à priori. Le major Carter est partie les rejoindre, je lui ai trouvé un avion.
La voix de Teal’C s’éleva alors :
- Le général Carter est-il au courant ?
Hammond soupira et son visage se crispa encore davantage.
- Non. Pas encore. J’ai envoyé un message urgent à la Tok’ra pour qu’il vienne.
Daniel se passa la main sur le visage et dit, comme pour lui-même :
- Sa femme d’abord… son fils à présent… Comment va-t-il… Et Sam… dans quel état va-t-on retrouver Sam ?

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Elle vomit. Encore. Son estomac se tordait de douleur. Elle tremblait. Le jeune soldat lui tendit un nouveau sac de papier en se disant que, pour un major de l’US Air Force, cette jeune femme avait décidément beaucoup le mal de l’air.

Elle n’avait pas le mal de l’air. Elle n’avait jamais eu le mal de l’air. Elle avait toujours été si forte, si parfaite, alors que tout son monde s’écroulait autour d’elle. Sa mère d’abord. Mark maintenant. Pourquoi pas elle ? Pourquoi ne mourait-elle pas ? Elle n’avait pas d’enfant, pas de mari, et un travail où elle risquait sa vie constamment, alors pourquoi pas elle ???

Elle pensa à son père. A son père qui avait été sauvé du cancer, qui se battait maintenant à ses côtés. A son père qui ne s’était jamais pardonné la mort de sa femme, qui ne se pardonnerait jamais la mort de Mark, qui ne se pardonnerait jamais d’être vivant alors que sa femme et son fils étaient morts.

Elle pensa à Michael et Emilie. Ils n’avaient plus rien. Plus rien. Et ils ne le savaient même pas. Elle allait devoir le leur dire. Elle allait devoir leur annoncer que leur vie était brisée, devoir les consoler - les consoler ! Mon Dieu ! Comme si elle allait être capable de consoler qui que ce soit, alors qu’elle-même pleurait depuis des heures dans un avion de l’armée ! Qu’allaient-ils devenir ?

Elle vomit à nouveau.

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Le petit garçon de dix ans était inquiet. Cela faisait maintenant une heure que sa sœur et lui attendaient dans le bureau de la directrice de l’école. Les maîtresses leur faisaient de grands sourires, leur demandaient toutes les deux minutes s’ils avaient besoin de quelque chose. Ce n’était pas normal. Sa mère aurait du être là depuis longtemps. Emilie, âgée de cinq ans, ne se posait pas toutes ces questions et dessinait avec application, trop heureuse et fière d’être installée dans le fauteuil de la directrice.

Une maîtresse arriva soudain dans le bureau et chuchota à l’oreille de la directrice qui se tourna vers les enfants :
- Mes chéris, prenez vos affaires, on est venu vous chercher.
Emilie leva les yeux et bondit du fauteuil :
- Ah, maman est là !
La directrice fit une grimace nerveuse qui n’échappa pas à Michael et répondit avec un sourire forcé :
- Non Emilie… Ce n’est pas maman… Allez, venez mes chéris.

Les deux enfants suivirent la directrice dans le couloir et attendirent quelques instants pendant qu’elle était allée seule à l’extérieur. Puis elle revint et leur fit signe de la suivre. Devant le perron de l’école se tenait Samantha.

Emilie lâcha son cartable et courut vers sa tante en souriant :
- Sam ! C’est toi ! Oh ! Que je suis contente !

Michael fut un instant rassuré de voir sa tante, mais se rembrunit immédiatement. Tout cela était de plus en plus étrange. Ils ne voyaient Sam que depuis peu de temps, et qu’une ou deux fois par an. Il savait qu’elle travaillait dans l’armée avec son grand-père, qu’elle n’était jamais là. Alors pourquoi venait-elle les chercher à l’école ? En plein milieu de l’année ?
En s’approchant son inquiétude ne fit que s’accentuer : les traits de Sam était tendus. Elle n’avait pas ce joli sourire que son neveu aimait tant.
Emilie était toujours blottie, souriante, contre les jambes de la jeune femme qui regardait son neveu s’avancer vers elle :
- Bonjour Michael.
- Salut Sam. Pourquoi tu es là ?
- Et bien, quel accueil, t’es content de me voir, dis donc !
Son sourire sonnait faux. Sa voix sonnait faux. Tout sonnait faux. Elle déposa une bise rapide sur la joue du garçon qui demanda :
- Où est maman ?
La main de Sam trembla sur l’épaule de Michael. Leurs regards se croisèrent. Ce que l’enfant y vit l’épouvanta. Sam, dégageant doucement la petite fille, s’agenouilla et murmura :
- On va rentrer à la maison, tous les trois. Je dois vous dire quelque chose.

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Les trois hommes n’avaient pour ainsi dire pas parlé du trajet. Jack regardait fixement par le hublot de l’avion. Daniel avait emporté quelques rapports à étudier mais relisait trois fois la même phrase sans être capable de se concentrer.
Le général Hammond avait dû rester au SGC. Il leur avait juste dit qu’apprendre à Jacob Carter la mort de son fils avait été l’une des choses les plus difficiles qu’il ait jamais faites dans sa vie. Le père de Sam avait immédiatement quitté le SGC pour rejoindre à son tour San Diego.
C’est là que se dirigeait l’avion dans lequel se trouvaient les trois membres de SG1.

Quand le taxi les déposa devant le cimetière, une pluie fine commençait à tomber. Jack était en uniforme, Daniel et Teal’C portaient tous deux un complet noir. Ils suivirent les très nombreuses personnes qui avançaient dans le cimetière ; quand ils découvrirent Sam et Jacob, leurs cœurs se serrèrent.

Sam portait un tailleur noir très sobre. Elle tenait par la main une petite fille ravissante, dont le visage rond était encadré de lourdes boucles châtain clair. L’enfant regardait tout le monde autour d’elle avec de grands yeux bleus étonnés.

« Les mêmes yeux que Sam », pensa Jack.

Un petit garçon d’une dizaine d’années se tenait aux côtés de la fillette. Ses cheveux bruns étaient un peu ébouriffés, ses yeux verts rougis par les larmes. Ses traits crispés et ses poings serrés trahissaient son désespoir et sa colère muette.

Jacob était assis à droite de sa fille. Ce n’était plus l’homme fier et sûr de lui, le général de l’Air Force, le stratège accompli, le guerrier orgueilleux et combatif. Ce n’était plus qu’un père anéanti. Il n’arrivait pas à dissimuler l’immense chagrin qui l’étreignait : ses mains tremblaient, son visage d’habitude si fermé semblait creusé, vieilli de vingt ans. Il regardait devant lui, les yeux dans le vague.

Jack se revit neuf ans plus tôt, assis lui aussi dans un cimetière identique, à pleurer un fils qui n’aurait jamais dû partir avant lui. Les mâchoires du colonel O’Neill se crispèrent un peu plus.

Un couple âgé pleurait également, assis à côté du petit garçon. « Sûrement les parents de la belle-sœur de Sam », pensa Daniel.

Sam, serrant toujours la main de la fillette dans la sienne, restait parfaitement immobile devant le cercueil de son frère. Elle regarda la foule d’inconnus autour d’eux et son regard croisa soudain celui de Jack. Les lèvres de la jeune femme tremblèrent si légèrement que personne à part le colonel O’Neill ne le remarqua. Il sentit toute la détresse de Sam et se maudit de ne pouvoir la serrer dans ses bras à cet instant.

Ils ne se quittèrent pas du regard pendant la cérémonie. Sam s’accrochait à ces yeux bruns comme à une bouée de sauvetage. Encore une fois, ils étaient si proches… et si loin l’un de l’autre. Elle savait qu’ils seraient dorénavant séparés. Elle savait qu’une page de sa vie s’était tournée en revenant de mission, dans le bureau du général Hammond.

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Quand Teal’C, Daniel et Jack se garèrent à proximité de la maison, de nombreuses personnes les y avaient déjà précédés. Ils entrèrent en silence et se glissèrent dans un coin du salon. Des gens qu’ils ne connaissaient pas chuchotaient un peu partout. Sam faisait des allers et venues entre le salon et la cuisine, apportant des assiettes, remportant des verres vides. Elle gardait un œil sur les deux enfants blottis dans un fauteuil, souffrant manifestement de ne pouvoir rester près d’eux. Deux autres femmes l’aidaient un peu, distraitement. Daniel fit un petit signe de tête à Teal’C et tous deux s’approchèrent de leur amie. Daniel lui prit délicatement des mains le plat qu’elle s’apprêtait à remporter et le posa sur une table. Sam leva les yeux vers lui. Il lui sourit tristement :
- Laissez, Sam. Teal’C et moi on va s’en occuper. Retournez avec vos neveux.
- Merci.
Elle passa ses bras autour du cou de l’archéologue qui la serra fort contre lui. Puis elle se dégagea et alla s’asseoir par terre, près des deux enfants qui se blottirent contre elle. La petite fille pleurait à présent, Sam lui passait la main dans les cheveux en lui parlant doucement.

Jack monta les escaliers. Les deux premières portes qu’il ouvrit menaient aux chambres des enfants. Il entra finalement dans celle de Mark et de son épouse. Jacob était assis sur le lit, dos à la porte.
Jack referma derrière lui et resta debout, immobile. Plusieurs longues secondes après, la voix de Jacob s’éleva, un mélange d’amertume et de fatigue :
- Si vous êtes venu me dire que tout va aller bien et qu’il faut faire son deuil, je vous remercie de quitter cette pièce dans l’instant.
- Tout ne va pas aller bien, Jacob. Tout va aller de pire en pire. Il y a des chances pour que vous en mourriez. Et si vous n’en mourez pas, vous regretterez jusqu’à la fin d’être toujours vivant.
Jacob se retourna lentement et posa les yeux sur Jack, qui avança jusqu’à la fenêtre et regarda la pluie tomber sur le vaste jardin. Jacob se remit lui aussi à regarder dehors et dit, dans un souffle :
- Merci. Vous êtes le premier à me dire la vérité. J’en ai besoin.
- La vérité, c’est aussi qu’il vous reste Sam et vos petits-enfants, Jacob. Contrairement à moi vous n’avez pas tout perdu. Laissez-les vous aider. Vous avez une fille extraordinaire, laissez-la vous sauver. Si une personne peut le faire, c’est elle. Elle est très douée pour beaucoup de choses, notamment pour sauver les gens malgré eux.
Le général Carter tourna la tête vers Jack :
- Comme elle vous a sauvé vous, Jack ?
Le colonel O’Neill répondit après un silence :
- Comme elle m’a sauvé, moi.
Il se leva doucement et posa la main sur l’épaule de Jacob. Puis il sortit.

Il se retrouva face à Sam dans le couloir. Ils restèrent quelques instants immobiles, en silence. Puis Sam demanda d’une voix à peine audible :
- Comment va-t-il ?
- Très mal.
Elle ferma les yeux et soupira.
- Et vous, Carter ?
- Je ne sais pas. Je n’ai pas trop le temps d’y penser. C’est mieux ainsi. Mais cela va aller.
Elle soutint le regard de Jack, qui lui dit doucement :
- Carter… vous avez le droit de ne pas aller bien. Vous avez le droit de ne pas tout contrôler, tout gérer. Vous avez le droit de pleurer.
Comme si Sam avait attendu l’autorisation de son supérieur, les yeux de la jeune femme s’embuèrent alors de larmes. Jack ouvrit les bras et elle s’y précipita. O’Neill ouvrit la porte qui se trouvait à côté d’eux dans le couloir et entra dans une grande salle de bain avec Sam dans ses bras. Il referma la porte derrière eux et resserra son étreinte, la berçant doucement contre lui.
Comment avait-elle pu espérer lui cacher sa détresse, à lui qui avait toujours lu en elle comme dans un livre ouvert ? Pourquoi même avait-elle voulu la lui cacher, alors qu’il était le seul à pouvoir apaiser un peu sa douleur ?
Ses larmes glissaient maintenant plus lentement sur ses joues, mais elle ne voulait pas qu’il la lâche. Pas encore une fois. Pas cette fois. Elle voulait qu’il la garde contre lui, qu’il la protège. L’étreinte de Jack était le seul endroit où elle avait le sentiment de pouvoir oublier que tout s’effondrait autour d’elle. Elle savait que les secondes passaient qui les rapprochaient de l’instant où elle devrait faire face à l’atroce réalité. Elle se cramponna encore davantage à lui. Il répondit à son étreinte, la serrant encore plus et enfouissant son visage dans les cheveux, dans le parfum de la jeune femme.

On frappa doucement à la porte.

Jack ne fit pas un geste et attendit que Sam s’éloigne doucement de lui. Il sourit et passa la main sur la joue humide de la jeune femme qui frissonna à ce contact.

Daniel passa la tête par l’entrebâillement.

- On peut entrer ?
- Oui. Bien sûr.
L’archéologue entra, suivi de Teal’C. Daniel s’approcha de Sam et la prit à son tour dans ses bras. Puis elle serra le grand jaffa contre elle. Elle ôta ensuite ses chaussures à talon et s’assit sur l’épais tapis de bain, devant la baignoire. Les trois hommes l’imitèrent. Ils restèrent quelques instants silencieux.
Sans les regarder, elle se mit à parler.

- Je vais donner ma démission de SG1. Ma belle-sœur était fille unique, et ses parents sont trop âgés et trop affectés par sa mort pour s’occuper de Michael et Emilie. Donc c’est à moi de les accueillir. Je vais vendre la maison de Mark et emmener les enfants à Colorado Springs, pour pouvoir peut-être continuer à travailler au SGC en tant que consultante scientifique. Mais il est hors de question que je conserve un poste comportant le moindre risque. Je suis… désolée.

Les coéquipiers de Sam restèrent silencieux quelques instants. Chacun d’entre eux avait pensé à cette éventualité, mais l’avait rejetée immédiatement. Pourtant l’évidence était là : c’était la fin de SG1.

Daniel trouva le premier la force de parler :
- Ne soyez pas désolée Sam, vous n’y êtes pour rien. C’est nous qui sommes… tellement désolés de ce qui arrive. Mais quelle que soit votre décision, nous vous soutiendrons, toujours. Vous pourrez toujours compter sur nous.
- Le docteur Jackson a raison, Major Carter. Votre départ créera un vide que personne ne pourra combler, mais nous nous rendons parfaitement compte de vos nouvelles responsabilités. Je respecte votre décision.
La jeune femme sourit faiblement à Teal’C et tourna les yeux vers O’Neill qui acquiesça aux paroles de ses deux amis. Il semblait incapable de faire quoi que ce soit d’autre.
Sam se leva alors, renfila ses chaussures et sortit.

Teal’C, Daniel et Jack restèrent assis en silence sur le sol de la salle de bain.

Orphelins eux aussi.

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Près de deux semaines étaient passées quand Sam revint chez elle avec Michael et Emilie.

Elle avait insisté pour que ses trois coéquipiers repartent pour Colorado Springs après l’enterrement. Jacob était reparti avec eux et avait passé la porte des étoiles le lendemain. Hammond espérait beaucoup que Selmak pourrait aider son ami, mais en doutait.

Sam avait passé tout son temps à s’occuper de Michael et Emilie tout en réglant la multitude de problèmes administratifs qui s’était présentée à elle. La maison était à présent en vente, et les inscriptions scolaires de ses neveux réglées. Elle voulait les renvoyer assez rapidement à l’école, afin qu’ils se fassent de nouveaux amis. De plus le fait de traîner avec elle dans leur ancienne maison ne faisait qu’exacerber la douleur des enfants. Sam était épuisée, elle passait ses nuits à courir de l’un à l’autre quand ils se réveillaient en pleurant.

Quand Sam arriva chez elle, les enfants et elle eurent l’excellente surprise de découvrir que les deux chambres d’amis avaient été entièrement décorées aux goûts des enfants.

Jack, Daniel et Teal’C avaient passé tout leur temps libre à courir les magasins de bricolage et retapisser les deux pièces. Jack avait confié sa carte bancaire à Cassandra en lui donnant crédit illimité, et la jeune fille avait choisi le mobilier et la décoration avec un goût irréprochable. La totalité des deux dernières primes de risque du colonel O’Neill y était passée, mais il ne manquait pas même la dernière console de jeux dans la chambre de Michael quand il y entra.

Sam sourit en regardant son neveu et sa nièce s’extasier devant leurs nouvelles chambres, et elle remercia le ciel d’avoir un jour laissé une clé à O’Neill.

Sam appréhendait néanmoins énormément cette nouvelle vie à trois. A San Diego, elle avait été aidée par plusieurs cousins et amis de la famille, et s’était rarement retrouvée seule avec les enfants, sauf la nuit.

Et s’il y avait une seule chose au monde que le major Carter ne savait pas faire, c’était bien s’occuper d’enfants.

Dès le lendemain de leur arrivée, elle avait été avec eux visiter leur école. Ils reprirent la classe dès le jour suivant et Sam en profita pour se rendre au SGC.

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Elle jeta un coup d’œil à la chemise cartonnée posée à côté d’elle dans la voiture.
La chemise qui contenait sa lettre de démission de SG1.

C’était fini. Elle ne repasserait plus la porte. Si seulement elle l’avait su en revenant de P7X534, elle aurait savouré chaque instant… Elle se serait imprégnée de cette sensation magique qui accompagnait chaque passage de la porte. Au lieu de cela, elle l’avait traversée sans y penser, blasée par l’habitude. Si seulement elle avait su… Elle avait, pendant sept ans, fait partie de l’infime minorité de terriens qui pouvait partager le plus grand secret de l’univers avec des races extraordinaires, et elle ne s’en était même plus rendu compte.

C’était fini. SG1, c’était fini. L’alliance sacrée, elle n’en faisait plus partie. C’en était fini des instants bénis où ils partageaient tous les quatre cette fabuleuse montée d’adrénaline. Où ils sauvaient l‘univers. Ces minutes magiques où ils agissaient de concert sans avoir besoin d’échanger la moindre parole pour se comprendre. Fini.
Elle se revit, à genoux dans l’herbe à l’autre bout de l’univers, à collecter des informations sur une civilisation extra-terrestre, avec Daniel, Teal’c et Jack à ses côtés.

Jack.

Ses mains se crispèrent sur le volant.

Elle avait toujours imaginé qu’il serait la seule personne qui pourrait un jour la faire renoncer au SGC. Elle pensait que la fin de SG1 signifierait qu’il aurait pris sa retraite... pour elle… pour eux…

Elle comprenait à présent que perdre SG1, c’était aussi perdre Jack. Que tout ce qui les séparait quand ils étaient dans l’armée les rapprochait en même temps. Que toutes les nuits où elle avait pleuré silencieusement dans son sac de couchage parce qu’elle ne pouvait pas le toucher alors qu’il dormait près d’elle, elle ne les aurait plus. Plus jamais. Que maintenant elle allait continuer de pleurer, mais qu’il serait à plusieurs centaines d’années lumière d’elle et qu’elle ne pourrait plus jamais contempler son visage endormi.

Une larme commença à couler sur sa joue. Elle l’essuya d’un revers de main rageur. Elle arrivait devant le premier poste de garde de Cheyenne Mountain.

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Hammond reposa la lettre devant lui et regarda les yeux bleus de la jeune femme. Il savait que cela arriverait, la fin de SG1. Il savait, depuis des années, qu’un jour O’Neill viendrait le trouver pour démissionner, qu’il devrait refuser, leur trouver une solution, quelque chose qui puisse enfin leur permettre d’être ensemble, ou bien accepter le départ de son meilleur officier.

Il n’avait jamais pensé, jusqu’à ces dernières semaines, que ce serait Sam qui viendrait. Il savait les sacrifices personnels qu’elle faisait, à tous points de vue. Quel gâchis. Quel monstrueux gâchis.

Le général Hammond soupira.
- Démission acceptée, Major.
- Merci, mon général.
Sa voix était à peine un murmure. Hammond se leva, fit le tour de son bureau et serra la jeune femme dans ses bras. Il savait qu’elle luttait pour ne pas pleurer de rage. Il s’éloigna d’elle.
- Cela a été un honneur de servir sous vos ordres mon général.
- Pour moi aussi cela a été un honneur, Sam. Je suis sincèrement désolé.
- Je sais. Moi aussi.
- Ils doivent revenir dans quelques minutes. Voulez-vous les voir ?
Elle hésita un instant, puis acquiesça. Il fallait en finir avec tout cela.

Quand elle arriva en salle d’embarquement, le premier chevron s’enclenchait.
Elle se tenait seule, debout face à la porte gigantesque qui avait représenté toute sa vie.

Elle essayait de s’imprégner une dernière fois de cette ambiance quasi religieuse, de retenir chaque seconde de l’activation du vortex devant elle. Elle se souvenait de son premier passage. Du froid, de la vitesse vertigineuse, de l’impression de puissance et de vulnérabilité à la fois.

De la main de Jack dans son dos qui l’avait propulsée dans ce nouvel univers.

A cet instant le colonel O’Neill s’avança, sortant de la vague bleue, et se figea sur la rampe en apercevant la jeune femme debout face à lui. Daniel et Teal’C suivirent quelques instants plus tard, l’archéologue heurtant Jack qui ne sembla même pas s’en rendre compte. O’Neill descendit lentement la rampe pendant que la porte se refermait et se tint face à Sam. Daniel et Teal’C, ayant eux aussi aperçu la jeune femme, s’avancèrent à leur tour.
Daniel demanda :
- Alors ?
- J’ai remis ma démission au général Hammond. Il l’a acceptée.
Ils restèrent silencieux plusieurs secondes, puis Sam ajouta avec un petit sourire mal assuré :
- Vous pensez que vous allez vous en sortir, sans moi ?
- J’en doute, Sam, répondit Daniel avec le même sourire. Mais vous restez au SGC, non ?
- Oui, j’ai même le droit de garder mon labo. J’ai un mois de congé pour m’occuper des enfants, tout cela… et après je reviens. Je…enfin je ne suis pas sûre d’arriver à travailler au SGC sans pouvoir repartir en mission, mais j’essayerai. Sinon je pourrai toujours demander une nouvelle affectation, repartir au Pentagone…
Daniel et Teal’C acquiescèrent. Jack ne bougea pas. Sam sourit à nouveau :
- Je vous rappelle que vous avez rendez-vous avec l’infirmerie, messieurs !
- On vous retrouve après ?
Elle hésita, mal à l’aise :
- Non, je ne crois pas… je suis juste passée remettre ma lettre au général Hammond et reprendre mes affaires personnelles. Je dois rentrer, Michael et Emilie ne vont pas tarder à sortir de l’école, je dois absolument y être.
- Bien sûr. Comment cela se passe avec eux ?
- Bien. Très bien.
Teal’C, Daniel et Jack surent instantanément qu’elle mentait mais ne dirent rien. Daniel demanda :
- On pourra passer vous voir, un de ces jours ?
- Euh… oui… enfin, comme vous voulez…
Elle était manifestement gênée, ne sachant que répondre. Elle changea de sujet et sourit, franchement cette fois :
- Merci pour les chambres. Merci beaucoup, c’est… parfait. Lequel a de tels talents de décorateurs ?
- O’Neill a confié sa carte de payement à Cassandra pour qu’elle s’en occupe. Je doute que l’un de nous trois ait été capable de faire cela, major Carter.
La voix du jaffa était encore plus posée et douce qu’à l’ordinaire. Sam regarda Jack avec gratitude :
- Mon colonel, vous me direz combien je vous…
Il l’arrêta d’un geste de la main et secoua la tête.
Ils restèrent à nouveau silencieux quelques instants. Sam sembla vouloir ajouter quelque chose, hésita, puis murmura dans un souffle :
- Servir à vos côtés a été le plus grand honneur de ma vie, messieurs.
Sa voix se brisa sur le dernier mot. Elle tourna les talons et sortit rapidement de la salle. Très rapidement.

Daniel jeta son sac à terre et donna un violent coup de pied dedans. Puis les trois coéquipiers se dirigèrent lentement vers l’infirmerie.

Jack n’avait toujours pas prononcé un mot.

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- Elles sont nulles tes crêpes. Tu ne sais même pas cuisiner. T’es nulle. Maman elle faisait les meilleurs crêpes de la Terre.
Le garçon jeta son assiette par terre sans quitter Sam des yeux. La jeune femme se mordit la lèvre. Emilie se remit à pleurer doucement devant son déjeuner. Sam respira un grand coup, sortit la pelle de sous son évier et entreprit de ramasser la crêpe et les morceaux de porcelaine brisée. Elle demanda doucement :
- Qu’est-ce que tu veux manger Michael ?
- Je veux les crêpes de maman.
- Ce n’est pas possible, Michael. Je suis désolée, ce n’est pas possible. J’essaye de suivre la recette, je suis désolée. Tu veux m’aider à les faire ?
- NON. Je ne veux pas t’aider. Je te déteste. Et Emilie aussi je la déteste, je vous déteste tous !

Michael quitta la cuisine en courant. Sam entendit la porte de sa chambre claquer. Elle lâcha la pelle, se releva doucement et prit dans ses bras Emilie qui pleurait de plus belle.
- Pour…pourquoi il me déteste ??
- Chut ma chérie… Il ne te déteste pas, il t’adore. Il est juste très très malheureux, comme nous, et il ne se rend pas compte de ce qu’il dit. Mais je te jure qu’il t’aime. Au fond de son cœur, il nous aime beaucoup, mais il a trop mal pour le montrer.
- Je veux maman…
Le cœur de Sam se serra et elle ferma les yeux un instant.
C’est à ce moment qu’on frappa à la porte d’entrée. Sam prit l’enfant dans ses bras et alla ouvrir.

Teal’C, Daniel et Jack se tenaient devant la porte. Teal’C tenait ce qui ressemblait à une boite de gâteau et Daniel avait le bras droit en écharpe.

Ils restèrent un instant sans voix devant le spectacle qui s’offrait à eux. La petite fille était en pleurs. Les cheveux de Sam étaient en désordre et ses traits tirés. Elle portait un simple jean et un T-Shirt blanc.

Daniel, après un instant d’hésitation, demanda :
- Euh… on était passés vous voir avec un gâteau au chocolat… mais si vous préférez qu’on revienne à un autre moment…
Sam ferma les yeux un instant. Elle n’était pas en état de parlementer. Elle leur fit signe de la tête d’entrer et ils la suivirent dans la maison.

Le salon était sans dessus dessous. Le sol était jonché de jouets et de livres divers. Le canapé écru était recouvert de traces de feutre. Une canette de soda gisait sur un fauteuil. L’évier de la cuisine était rempli de plats sales. Les restes d’un repas s’étalaient sur la table de la salle à manger et il y avait une assiette brisée sur le carrelage. Avec une crêpe.

Les trois hommes s’entre-regardèrent : Sam avait toujours été un modèle de propreté et d’organisation. Ils étaient rarement venus prendre un verre chez elle, car ils avaient peur de ce qui pourrait leur arriver s’ils faisaient la moindre tâche sur la moindre parcelle de son si joli intérieur.

Elle ne semblait même plus se rendre compte de l’état de sa maison. Elle leur indiqua le salon du menton et se laissa tomber dans un fauteuil, la petite fille toujours dans les bras. Les trois hommes s’assirent en face d’elle. Emilie s’était arrêtée de pleurer et regardait Teal’C avec curiosité.
La voix de Sam s’éleva. Triste, fatiguée :
- Emilie, je te présente Daniel, Teal’C et Jack. Ce sont des amis à moi. Je vous présente Emilie.
Daniel et Jack sourirent et firent un petit geste amical. Teal’C inclina doucement la tête et dit :
- Bonjour, Mademoiselle Emilie.
- Bonjour Monsieur Teal’C.
L’enfant sourit au grand jaffa, qui lui rendit son sourire.
- Tu as une jolie casquette. Tu me la prêtes ?
- Non, mais je pourrai t’en offrir une bientôt si tu es sage.
- Moi je suis très sage. C’est Michael qui n’est pas sage. Il n’arrête pas de dire des choses méchantes à Sam.
Les trois hommes regardèrent leur amie qui sourit, gênée. Daniel se retourna vers la petite fille :
- C’est vrai ?
- Oui. Il dit qu’elle ne sait pas faire les crêpes. Ni le chocolat chaud. Et plein de choses très méchantes.
- Et Sam, elle est sage ?
- Oh oui. Sam elle est gentille. Et moi j’aime bien ses crêpes.
Sam sourit doucement et caressa les cheveux de la petite fille qui sauta à terre. Elle se planta devant Teal’C et lui prit la main :
- Teal’C, tu viens voir ma chambre ?
- Oui Emilie. Je te suis.
Sam, Jack et Daniel regardèrent en souriant le jaffa s’éloigner aux côtés de la fillette. Elle était minuscule à côté de lui. Sam se leva à son tour :
- Je vous laisse une minute. Il faut que j’aille voir Michael, nous avons eu…un différent au sujet des crêpes.
Jack et Daniel acquiescèrent. Dès qu’elle eut disparu dans l’escalier, sans même se consulter, les deux hommes se levèrent et entreprirent de ranger la pièce. Daniel ramassa de sa main valide les différents journaux et les empila sur la table basse. Il rassembla les jouets dans la caisse de plastique manifestement prévue à cet effet. Jack était pendant ce temps parti dans la cuisine. Il ramassa rapidement la crêpe et les débris d’assiettes, débarrassa la table et remplit le lave-vaisselle.
Quand Sam redescendit, Daniel finissait de ranger les derniers plats que Jack avait lavés et essuyés. Les deux hommes se retournèrent vers elle. Elle sourit et dit simplement :
- Merci.
Michael se tenait à côté de Sam et regardait les deux hommes d’un air soupçonneux. Ils lui sourirent.
- Michael, voici Daniel et Jack.
- Salut Michael, dirent-ils.
- Salut.
Il était manifestement sur la défensive. Sam enchaîna :
- Michael voudrait savoir s’il peut manger un peu de gâteau au chocolat.
- Bien sûr ! C’est pour ta sœur et toi qu’on l’a apporté !
Daniel s’empressa de sortir une assiette pendant que Jack coupait une grosse part de gâteau. L’enfant sembla se détendre un peu, saisit l’assiette que O’Neill lui tendait et s’assit. Sam soupira et s’assit à son tour, suivie par ses deux amis. Ils regardèrent tous trois l’enfant manger. Michael, la bouche pleine, articula difficilement :
- Vous êtes qui, vous ?
- Ce sont des amis à moi et à Teal’C qui est avec Emilie, que tu as vu en descendant. Ils travaillent avec moi.
- Alors c’est des collègues.
- … et amis, ajouta Daniel. Surtout des amis.
L’archéologue sourit à Sam qui lui rendit son sourire.
- Moi je suis archéologue, je fais des recherches sur les anciennes civilisations.
- Comme les romains ? Ou les égyptiens ?
- Oui, comme les égyptiens, c’est tout à fait ça.
- Et t’as quoi au bras ?
Sam réalisa seulement maintenant que Daniel avait le bras plâtré.
- Je me suis cassé le bras en tombant dans un trou, alors que je regardais des ruines.
- C’est vrai ? demanda Sam en se tournant vers Jack.
O’Neill prit un air affligé et désabusé et acquiesça en soupirant. Le jeune garçon se tourna alors vers lui.
- Et toi ? Tu fais quoi ?
- Moi je suis dans l’armée, comme ta tante et ton grand père. Je suis colonel dans l’Air Force, répondit doucement Jack.
- Woua ! Tu pilotes des avions ?
- Cela m’arrive.
- Colonel, c’est mieux que grand-père, Sam ?
Sam répondit en souriant :
- Non, grand-père il est encore mieux que colonel. Mais colonel c’est très très bien.
- C’est mieux que toi ?
- Oui. C’est mieux que moi. Le colonel O’Neill - Jack - était mon chef dans l’armée.
- Ah.
Le petit garçon, manifestement satisfait des réponses, se remit à manger son gâteau. Puis il sauta sur ses pieds et demanda :
- Je peux regarder la télé Sam ?
- As-tu fini tes devoirs pour demain, Michael ?
Le visage du garçon se rembrunit. Jack et Daniel sentirent immédiatement venir la dispute.
- Mais je… je n’ai rien à faire.
- Si Michael. Nous avons regardé ton cahier de texte ensemble, tu as deux exercices et ta leçon d’histoire. Nous sommes dimanche après-midi, c’est pour demain, il faut les faire maintenant.
Sam aussi savait ce qui allait se passer. Et elle ne voulait pas que Daniel et Jack y assistent. Vraiment pas. Trop tard, le visage du garçon s’était empourpré de colère et il était parti en courant. La porte de sa chambre claqua, une fois de plus.
Sam soupira et se leva lentement. Elle murmura :
- J’y vais. Désolée de vous faire assister à cela. Allez délivrer Teal’C avant que Emilie ne l’oblige à jouer à la poupée. Vous devriez partir et passer votre dimanche après-midi à des choses plus drôles.
- Sam… commença Daniel.
Elle l’arrêta d’un geste de la main et partit rejoindre Michael. Jack et Daniel restèrent seuls assis à la table. O’Neill ramassa l’assiette du garçon. Daniel dit au bout de quelques minutes :
- Cela va vraiment mal.
- Oui.
- Cela doit être la première fois de sa vie que Sam est dépassée.
- Oui.
- On ne peut rien faire, Jack ?
O’Neill soupira, sourcils froncés.
- Je ne sais pas. J’ai peut-être une idée.
Des cris leur parvinrent depuis le haut de la maison. Ils ne comprenaient pas ce que le garçon disait. La voix de Sam répondit. Jack et Daniel se regardèrent.

La scène leur semblait surréaliste.

Ils montèrent. Les portes des chambres des enfants étaient ouvertes. Dans l’une, Teal’C se tenait assis au milieu d’une vingtaine de poupées. Le jaffa les regardait, perplexe, se demandant ce qui se passait à côté. La scène aurait normalement du faire éclater de rire Daniel et Jack, mais ils se tenaient devant la chambre de Michael. Celui-ci était dos à eux, face à Sam et criait :
- J’apprendrai pas ma leçon ! Je ne veux pas ! Je veux mourir comme papa et maman ! Et tu peux rien me dire, t’es pas ma mère ! De toutes façons je ne t’aime pas ! Personne t’aime ! T’as même pas d’amis, t’es trop nulle, trop méchante ! Tu connais que des gens de ton travail ! Même maman elle le disait que t’étais bonne qu’à travailler, que t’aurais jamais de mari ! Jamais d’amis ! Personne t’aime, et c’est bien fait !
- Arrête ça immédiatement.
La voix du colonel O’Neill aurait glacé un bataillon de marines. Le garçon sursauta et se retourna, tétanisé. Jack serra le poing, prit une grande inspiration pour se calmer et s’accroupit pour se retrouver face au petit garçon. Michael le regardait en tremblant, les yeux écarquillés. La voix de Jack s’éleva à nouveau, calme et posée à présent. Mais déterminée.
- Ce n’est pas vrai. Je sais que tu es malheureux, mais cela ne t’autorise pas à dire des mensonges. La vérité, je vais te la dire, moi. Ta tante est une femme exceptionnelle, tu le sais, et tu l’aimes. Et tout le monde l’aime. Elle travaille beaucoup, mais tous les gens qu’elle rencontre l’aiment, parce que non seulement elle est très intelligente, mais en plus elle est jolie, douce, gentille, patiente et drôle. Et moi je sais que tous les soldats de la base où on travaille sont amoureux d’elle, mais elle n’a pas de mari car elle n’a pas encore trouvé quelqu’un d’assez bien pour elle, parce qu’elle est extraordinaire. C’est tout. Alors à partir de maintenant tu ne dis plus jamais à Sam qu’elle est méchante et nulle sinon je viens te botter les fesses personnellement.
Jack avait dit ces derniers mots en souriant. L’enfant acquiesça fébrilement. Jack ajouta :
- Et tu vas apprendre ta leçon d’histoire.
La voix de Daniel s’éleva :
- Je peux même t’aider si tu veux. Moi je suis très très fort en histoire.
Sam regardait O’Neill et Daniel avec gratitude et étonnement. Puis, manifestement submergée par le trop-plein d’émotions, elle sortit de la pièce. Michael alla chercher son cahier sur son bureau pendant que l’archéologue s’asseyait sur le lit. Daniel regarda Jack et lui fit signe d’aller rejoindre Sam. Jack acquiesça et sortit à son tour.

Jack n’était jamais entré dans la chambre de Sam. Il hésita un instant puis poussa doucement la porte. La pièce était grande, avec un papier peint bleu pâle. Une penderie occupait l’un des murs de la chambre. En face une grande porte-fenêtre laissait entrer le soleil d’après-midi. Un grand lit occupait le centre de la pièce. Sur la table de nuit se trouvait une pile impressionnante de livres sur la psychologie infantile. Jack ne put s’empêcher de sourire. Sam était assise sur le lit, en tailleur. Elle leva les yeux vers O’Neill. Celui-ci s’approcha doucement, s’assit lui aussi sur le lit, et sourit en désignant les ouvrages du menton :
- Tout ne s’apprend pas dans les livres, Carter. Et spécialement pas cela.
- Michael a raison. Je ne peux pas les aider.
- Il a tort. Et vous aussi. On ne résout pas le chagrin d’un garçon de dix ans comme un problème de maths, c’est tout. Mais vous êtes parfaite pour eux, Carter. Parfaite. Ils ont juste besoin de temps. De beaucoup de temps.
- Je ne suis pas sûre… de tenir.
- Bien sûr que si, vous tiendrez. Il est loin d’être arrivé, le jour où le major Carter baissera les bras devant une difficulté.
Il sourit. Elle sourit en retour, puis demanda :
- Vous avez des nouvelles de mon père ?
- Non. Hammond est très souvent en contact avec la Tok’ra. Il semble que votre père s’abrutisse de travail. C’est de famille.

Elle sourit à nouveau et s’allongea, fixant le plafond. Elle se sentait plus calme. Jack la regardait toujours en souriant. Tout était tellement plus simple dès qu’il était là.
- Comment ça va au SGC ?
- Bien. La routine. Cet abruti de Daniel a glissé sur un caillou plein de mousse, figurez-vous. Nous sommes bloqués ici pour deux semaines, au moins. J’aime beaucoup la nouvelle déco de votre salon, particulièrement celle de votre canapé. Très… coloré. Finalement, après toutes ces années, vous l’avez votre déco mino… miné…
Elle secoua la tête en souriant.
- Minoenne mon colonel. Minoenne. Vous vous souvenez de cela, après tout ce temps ?
- De cela quoi, Carter ? De Daniel en extase devant des statues de taureau, de Hammond avec une camisole de force, de votre T-shirt vert, ou du moment où vous vous êtes jetée sur moi dans les vestiaires ?
Elle rit. Cela faisait des semaines qu’elle n’avait pas ri. Elle sentit tout son corps se détendre et ferma les yeux un instant. Juste un instant.

Jack la regarda s’endormir en souriant lui aussi. Elle lui manquait. Mon dieu ce qu’elle lui manquait.

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Quand Sam ouvrit à nouveau les yeux, la nuit tombait. Elle se dressa sur son lit, repoussant la mince couverture que O’Neill avait déposée sur elle. Elle regarda le radio-réveil : 19h15.
Elle bondit du lit et dévala l’escalier. Elle s’arrêta, stupéfaite.

Le salon et la cuisine étaient maintenant parfaitement rangés et propres. Teal’C était assis dans le fauteuil, Emilie sur ses genoux. La petite fille était en pyjama et regardait un dessin animé à la télévision. Jack sirotait une bière en feuilletant un magasine. Michael, en pyjama lui aussi, était assis à côté de Daniel qui lui commentait un livre.

Ils levèrent les yeux et les trois hommes sourirent devant l’air ahuri de Sam. Michael brandit le livre, un ouvrage sur l’Egypte ancienne qui traînait depuis des années sur une étagère de Sam.
- Eh Sam ! Tu savais que Cléopâtre, la reine, elle s’était fait mordre exprès par son serpent ! Pour ne pas être la prisonnière des romains !
- Non ??
Sam feignit l’étonnement, sourit et passa la main dans les cheveux du petit garçon qui s’était replongé dans son livre. « Sans prêter la moindre attention à l’écran de la télévision », remarqua Sam avec admiration. Elle s’assit à son tour à côté de Michael et Teal’C lui demanda :
- Avez-vous bien dormi, major ?
- Oh oui. Je crois que j’en avais besoin. Merci de vous être si bien occupés d’eux.
Les trois hommes sourirent de plus belle.

A cet instant on sonna à la porte. Avant que Sam ait pu bouger, Jack se leva et se dirigea vers l’entrée. Sam le regarda revenir avec cinq pizzas dans les mains :
- Le dîner est prêt ! annonça-t-il fièrement en faisant un clin d’œil à Sam.
Les deux enfants se levèrent d’un bond et coururent se mettre à table. Daniel, Teal’C, Sam et Jack s’assirent avec eux. Le dîner fut très agréable, les enfants semblaient avoir parfaitement adopté les trois hommes. Après avoir avalé sa deuxième part de pizza, Michael dit :
- Je suis désolé Sam, mais c’est quand même meilleur que ton gratin de chou-fleur !
- Beurk ! renchérit Emilie.
Jack ouvrit de grands yeux étonnés :
- Vous leur avez fait du gratin de chou-fleur ??
Sam haussa les épaules en riant :
- Et bien oui ! Enfin, j’ai essayé… il paraît que c’est un légume excellent pour la santé.
Jack regarda Michael et dit d’un ton très solennel :
- Michael, si jamais Sam vous refait du gratin de chou-fleur, vous m’appelez, et je viendrai moi-même le mettre à la poubelle. Et je jetterai Sam en prison.
Le petit garçon manqua de s’étouffer avec sa troisième part de pizza et tous éclatèrent de rire. Sam feignit d’être vexée et menaça en souriant :
- Attention, si vous vous moquez de mon gratin, je vous fais tous réciter une leçon d’histoire !
Le visage de Michael s’éclaira encore davantage :
- Et bien moi je m’en moque parce que je la connais super bien ma leçon d’histoire ! Même que Daniel il a dit que j’allais sûrement devenir un grand archéologue avec une mémoire pareille !
- Tu parles d’un avenir… murmura Jack à qui Daniel lança un regard noir.
Le petit garçon enchaîna :
- … et même que j’avais même pas besoin de l’apprendre, en fait, parce que demain on ne va pas à l’école !!
- Pardon ???? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ??
Sam regarda l’enfant, stupéfaite. Emilie ajouta :
- Oui Sam ! Même qu’on va tous en vacances avec des poissons !
- Quoi ???
Daniel, Teal’C et Jack souriaient. O’Neill prit la parole.
- Eh là, pas de précipitation. J’ai dit que je vous emmenais tous dans mon chalet uniquement si Carter était d’accord pour que vous ratiez l’école.
- Oh s’il te plaît Sam ! Dis oui !
Emilie se jeta au cou de sa tante, qui regarda Jack en secouant la tête. Il lui fit un petit sourire désolé. Elle sourit à son tour :
- Bon, c’est d’accord.
Ils n’étaient plus à une ou deux semaines d’école près. Et la montagne ne pourrait que leur faire du bien à tous.
- OUAI !!!!
Les enfants finirent de manger rapidement et montèrent avec Daniel qui avait promis de leur raconter une histoire. Sam resta donc au salon avec Jack et Teal’C.
- Mais, mon colonel, vous êtes sûr que cela ne vous dérange pas ?
- Bien sûr que non, Carter. On sera un peu serrés, mais je suis ravi. C’est quand même la première fois que vous acceptez mon invitation !
Sam et lui se sourirent. La jeune femme se tourna vers Teal’C :
- Emilie vous a adopté, Teal’C ! C’est incroyable, elle vous adore.
Le jaffa sourit :
- Malgré toutes ces années, j’ai peu été en contact avec des enfants de la Tau’ri. Ils sont attachants. Je serai ravi de m’occuper d’eux pendant les quelques jours que nous passerons ensemble.
- Mouai, vous voulez surtout éviter d’avoir à pêcher, grogna Jack.
- Pas seulement O’Neill. Pas seulement.

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Le lendemain matin se passa à faire les bagages. Ils n’avaient pas vraiment décidé pour combien de temps ils partaient, mais c’était un détail sans importance. Pour la première fois depuis la mort de son frère, Sam s’était levée de bonne humeur et souriante. Son neveu et sa nièce courraient dans la maison, excités à l’idée de rater l’école pour partir dans le Minnesota.

Sam se dit que quand Teal’C, Daniel, Jack et elle étaient réunis, tout était définitivement plus simple. Pas seulement la lutte contre les Goa’ulds.

Quand Jack, Daniel et Teal’C arrivèrent dans le pick-up de O’Neill, la voiture de Sam était déjà chargée. Elle avait appelé l’école, la directrice n’avait fait aucune difficulté ; Michael était très dur en classe et l’instituteur fut aussi d’avis qu’un séjour à la montagne lui serait très bénéfique.

Emilie sauta dans les bras de Teal’C qui sourit. Jack et Daniel étaient passés acheter des provisions. Le jaffa s’installa dans la voiture de Sam avec les enfants et ils partirent pour le Minnesota.

Quand ils arrivèrent, il faisait déjà nuit noire et les enfants dormaient dans la voiture de leur tante. Sam se gara à côté du pick-up et descendit. Elle distinguait mal l’endroit, mais elle savait que la maison était isolée car cela faisait un moment qu’ils roulaient sur une piste sans croiser âme qui vive. Ils laissèrent Daniel avec les enfants et déchargèrent les voitures rapidement. Puis Jack fit faire à Sam et à l’archéologue une rapide visite des lieux, Teal’C étant déjà venu.

Sam ressentit une légère appréhension en entrant. Elle avait tant souhaité venir. Tant souhaité pouvoir enfin accepter les invitations de Jack. Et voilà, elle y était. Mais avec Daniel, Teal’C, et deux enfants dont elle avait la garde jusqu’à la fin de ses jours. Décidemment, rien ne se déroulait comme elle l’avait espéré.

Jack la regardait à la dérobée. Il avait lui aussi du mal à réaliser qu’elle était enfin là. Et que ce n’était pas du tout dans les conditions qu’il escomptait.

Le bas du chalet se composait d’un vaste salon avec une cuisine américaine, un coin repas et une première chambre avec deux lits jumeaux. Au premier étage se trouvaient la salle de bain, la chambre de Jack et une chambre d’enfant.

« La chambre de Charlie » pensèrent Sam et Daniel.

Jack ne fit aucun commentaire quand il leur ouvrit la pièce et annonça que c’est là qu’ils installeraient les enfants, il avait un épais matelas qu’on ajouterait à côté de l’unique petit lit. Michael y serait parfaitement bien. Sam murmura :
- Mon colonel, si vous ne voulez pas qu’ils dorment ici, je peux…
- Les enfants dormiront ici Carter. Cela ne me pose aucun problème.
Sa voix était déterminée. Presque froide. Sam ne répliqua pas.
Jack ouvrit la porte de sa propre chambre. Elle était meublée d’un grand lit, d’une armoire et d’un petit bureau en bois. O’Neill s’empressa d’expliquer :
- Carter, vous dormirez ici à côté des enfants. Je prends le canapé.
- Mais, mon colonel, c’est votre chambre, je peux très bien…
- Pas question. Je dors souvent sur le canapé quand je viens ici, il est très confortable et j’y serai très bien.
Comme il vit que Sam allait répliquer il leva la main et ajouta :
- … et ne m’obligez pas à vous donner un ordre, Carter ! Je ne suis plus votre supérieur, mais je suis toujours plus gradé que vous !
Jack s’arrêta, bouche bée. Sam aussi semblait pétrifiée.

Il n’était plus son supérieur.

Ils venaient de le réaliser au même instant tous les deux.
Ils n’y avaient même pas pensé avant, tellement ils avaient craint que les tragiques événements des dernières semaines ne les séparent à jamais.

Daniel sourit et s’éclaircit la gorge.
- Et donc Teal’C et moi dormons en bas ?
- Euh… oui, c’est ça… allons installer les affaires…

L’archéologue regarda en souriant ses deux amis descendre précipitamment l’escalier.

Ils firent en priorité les lits des enfants et Teal’C et Jack y déposèrent Michael et Emilie toujours endormis. Puis les quatre amis grignotèrent un morceau et allèrent se coucher à leur tour. Sam, à présent seule dans sa chambre, s’apprêtait à ôter les anciens draps du lit et à y mettre ceux que Jack lui avait donnés, quand elle se ravisa. En souriant elle rangea les draps propres dans l’armoire et se glissa dans le lit.
Et dans l’odeur de Jack.
Elle s’endormit quasiment immédiatement.

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Jack se demanda s’il l’avait jamais trouvée plus belle qu’à cet instant.

La tête de la jeune femme reposait sur l’oreiller. La lumière dorée du soleil qui perçait entre les rideaux se reflétait dans ses cheveux blonds ébouriffés. Elle avait rejeté les draps et portait un T-shirt et un simple caleçon. Allongée sur le côté, elle souriait dans son sommeil.
Jack réalisa tout à coup que le café allait vraiment finir par être froid et s’arracha à sa contemplation. Il annonça doucement :
- Le petit déjeuner de Madame.
Elle cligna des yeux et mit quelques secondes à réaliser où elle se trouvait. Puis elle découvrit O’Neill dans l’embrasure de la porte, un plateau à la main et le sourire aux lèvres.
Elle sourit à son tour et s’étira gracieusement.

Jack se mordit l’intérieur de la joue.

Elle s’assit en se passant la main dans les cheveux. Jack s’avança et plaça le plateau devant elle. Il demanda :
- Bien dormi ?
- Mon dieu oui. Quelle heure est-il ?
- Un peu plus de dix heures. Les enfants sont avec Teal’C et Daniel, ils se promènent au bord du lac. On a décidé de vous laisser dormir un peu.
- Merci. Je ne les ai pas entendus cette nuit. Ont-ils pleuré ?
- A priori non. Le voyage les avait épuisés. Je vous laisse déjeuner. Descendez quand vous voulez.
- Merci.
Ils se regardèrent en souriant un instant puis Jack se leva et sortit. Sam mordit à pleines dents dans un pancake délicieux.

Quand elle descendit un quart d’heure plus tard, en jean avec un pull couleur crème, la salle était vide. La pièce était plus grande qu’elle ne lui avait paru la veille. Le mobilier était simple, en bois, mais l’ensemble dégageait une impression de chaleur et de confort. Elle se figea quand elle découvrit le paysage par les larges fenêtres.

Elle sortit et se retrouva sur le ponton, face au lac.
Elle cligna des yeux plusieurs fois, tellement la lumière qui se reflétait à la surface était intense. Le lac était gigantesque, entièrement entouré par une épaisse forêt. Une grande partie des arbres était déjà en fleurs et toutes les couleurs se reflétaient dans l’eau limpide et parfaitement lisse.

Elle n’entendit pas Jack arriver derrière elle. Elle sursauta légèrement quand il demanda :
- Cela vous plait ?
- C’est… c’est magnifique.

Elle s’assit au bout du ponton, ôtant ses baskets pour toucher l’eau du bout des pieds. Jack s’assit à ses côtés et ils demeurèrent silencieux quelques minutes, jusqu’à ce que les voix des enfants se fassent entendre. Ils se levèrent et partirent à leur rencontre.

Teal’C avait les bras chargés de plantes diverses et Daniel paraissait en grande discussion avec Michael qui tenait un bâton. Emilie courait autour d’eux. Quand elle vit Sam, la petite fille se précipita dans ses bras :
- Sam ! J’ai vu plein de plantes et de fleurs ! J’en ai ramassé pour toi !
- C’est gentil ma chérie… et merci Teal’C, de les avoir portées !
Le jaffa jeta un coup d’œil blasé à Jack qui s’efforçait de ne pas rire. Ils rentrèrent dans le chalet et Daniel supervisa la préparation du déjeuner.

La fin de la journée se passa à se balader au bord du lac et dans la forêt. Jack connaissait bien sûr parfaitement les lieux et attirait l’attention des enfants là sur un animal, ici sur une fleur. Daniel semblait ravi de passer sa convalescence dans des telles conditions. Quand à Teal’C, du moment que Jack ne sortait pas les cannes à pêche, il adorait l’endroit.

Les enfants commencèrent à bailler vers huit heures et se couchèrent peu après. L’air vif les avait fatigués. Sam nota en éteignant la lumière dans leur chambre que Michael avait été adorable toute la journée, il n’y avait eu aucune dispute. Mais la jeune femme se doutait que cela ne serait pas si simple.

Teal’C avait aidé Jack à faire du feu, et les quatre adultes étaient restés un peu dans le salon à discuter devant la cheminée. Ils parlaient de tout et de rien, les trois hommes évitant soigneusement le sujet du SGC pour ne pas attrister Sam. Ils partirent tous se coucher vers 23 heures.

Sam fut réveillée par des pleurs. Ceux d’Emilie. Elle se leva et passa rapidement dans la chambre des enfants. La petite fille était assise sur son lit, de grosses larmes coulaient sur ses joues. Michael ne semblait pas s’être réveillé. Sam enjamba le matelas, s’assit à côté de la fillette et la prit doucement dans ses bras.
- Je veux maman.
- Je sais ma puce. Je sais.
- Pourquoi elle est partie ? Pourquoi elle et papa ils nous ont laissés ?
- Ils n’ont pas fait exprès. Ils n’auraient jamais voulu vous laisser.
- Tu vas nous laisser, toi aussi ?
Sam ferma les yeux et serra un peu plus fort l’enfant contre elle.
- Jamais ma chérie. Jamais. C’est promis.
Sam resta encore quelques minutes dans la chambre, le temps qu’Emilie se rendorme. Puis elle sortit en silence et descendit l’escalier pour aller boire un verre d’eau. Elle ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil sur le canapé, où Jack dormait. Son sommeil semblait agité, il avait les sourcils froncés et se tournait sans cesse. Sam le regarda un instant et passa dans la cuisine. Elle faillit laisser échapper son verre quand Jack se redressa soudain avec un cri étouffé. Elle se précipita.

Il était assis sur le canapé, couvert de sueur. Il tremblait de tous ses membres. Sam fut épouvantée par son regard : c’était celui d’un enfant de dix ans. Celui de Michael quand il se réveillait en hurlant en pleine nuit. Sam s’approcha et s’agenouilla près de lui. Jack ne sembla tout d’abord pas avoir conscience de sa présence, il tentait de calmer sa respiration anarchique. Puis il leva les yeux et rencontra le regard inquiet de Sam. La détresse fit place à la honte dans ses yeux bruns et il détourna la tête pour éviter de regarder la jeune femme en face.
- Retournez vous coucher Carter.
- Ca va aller ?
Il leva la main dans un geste d’agacement. Elle la prit dans la sienne et la serra. Surpris, il tourna à nouveau son visage vers elle et sut qu’elle ne partirait pas. Il sourit amèrement.
- Vous avez déjà assez à faire avec les cauchemars de vos neveux, Carter. Ne vous occupez pas de ceux d’un vieil homme.
Elle sourit, se releva et s’assit sur le bord du canapé. Elle demanda très doucement :
- Baal ou l’Irak ?
O’Neill hésita un instant puis murmura dans un souffle :
- Charlie.
Elle ferma les yeux un instant et serra un peu plus la main qui tremblait toujours légèrement dans la sienne. Elle dit doucement :
- Je suis désolée. Ce n’était peut-être pas une bonne idée de venir ici avec Michael et Emilie. Cela doit être difficile de les …
- Non. C’était mon idée, et je ne le regrette pas. Cet endroit est fait pour accueillir des enfants. Il est temps… Il est temps que je m’y fasse.
- Vous n’avez jamais fait de cauchemars en mission.
- Mon sommeil est beaucoup plus léger. Alors qu’ici… ici je suis chez moi. Seul avec mes démons.
Elle secoua la tête et sourit :
- Non. Pas seul.
Il sourit à son tour.
- C’est comme cela que vous faites avec vos neveux ? C’est efficace.
- Pas toujours.
- Et qu’est-ce que vous faites dans les cas désespérés ? Un verre de lait chaud avec du miel ? Je vous préviens je déteste.
Il la sentit hésiter un instant. Elle redevint plus sérieuse et murmura :
- Non. Quand cela ne va vraiment pas, je fais ça.
Sans un mot, elle se glissa à côté de lui sur l’étroit canapé et, très doucement, attira Jack contre elle, de telle sorte que le visage de O’Neill se trouva blotti dans le cou de la jeune femme. Elle passa une main dans les cheveux poivre et sel et serra contre elle l’homme qu’elle aimait.
Jack ne résista pas. Il entoura de ses bras le corps mince de Sam et se laissa enivrer par son parfum. Ils restèrent ainsi quelques minutes, cramponnés l’un à l’autre. Puis Sam murmura très doucement :
- Je croyais… j’avais peur de vous avoir perdu vous aussi.
- Jamais Sam. Vous ne me perdrez jamais.
Cela résonna comme une promesse. Comme celle qu’elle venait de faire quelques minutes plus tôt à Emilie. Sam sourit et s’endormit quelques secondes plus tard, alors qu’elle s’était juré de regagner sa chambre au plus vite.

Quand Emilie descendit tôt le lendemain matin, en se frottant les yeux, elle découvrit Sam et Jack toujours enlacés sur le canapé. Elle les regarda quelques instants. Teal’C, qui était déjà dans la cuisine, s’approcha de la petite fille et posa sa grande main sur la frêle épaule. Elle leva les yeux vers lui :
- Ils sont amoureux ?
- Oui.
- Depuis longtemps ?
- Oui.
- Pourquoi ils ne le disent pas ?
- Parce que c’est un secret. Même pour eux c’est un secret.
- Ah.
La petite fille mit sa main dans celle du jaffa. Ils prirent de quoi manger dans la cuisine, Teal’C enfila un pull à la fillette et ils sortirent déjeuner dehors.

Jack ouvrit alors les yeux et sourit.

Il resta quelques minutes à regarder Sam dormir dans ses bras. Puis il caressa une dernière fois les boucles blondes et, très lentement, se détacha d’elle et quitta le canapé. Elle se retourna mais ne se réveilla pas. Jack alla se verser une tasse de café, enfila un jean par dessus son caleçon et sortit.

Quand Sam ouvrit les yeux à son tour, elle découvrit Daniel devant elle, une tasse de café chaud à la main et un sourire goguenard sur le visage. Elle réalisa qu’elle était encore sur le canapé et soupira :
- Ca va. Aucun commentaire.
- Mais je n’ai rien dit, Sam.
Il lui tendit la tasse de café qu’elle prit en s’asseyant et se dirigea vers la cuisine en ajoutant :
- Mais bon, à deux vous seriez mieux dans votre lit, si vous voulez mon avis.
- Je ne le veux pas, Daniel.
- Ok, ok…

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Sam et Jack ne reparlèrent pas de cette nuit.

Une semaine s’était maintenant écoulée depuis leur arrivée au chalet. Chacun profitait pleinement du temps passé avec les autres. Les enfants étaient détendus. L’autorité naturelle de Jack avait désamorcé les débuts de colère de Michael, et la douceur de Sam avait fait le reste.

Sam avait maintenant compris que, même s’ils ne travaillaient plus tous les quatre comme avant, Daniel, Teal’C, Jack et elle resteraient toujours unis. Que leur amitié était une évidence et allait bien au delà de leur vie professionnelle. Elle se sentait rassurée, un poids s’était envolé. Ils seraient toujours là. Quoiqu’il advienne ils seraient toujours là, tous les quatre. Comment avait-elle pu penser un seul instant qu’ils la laisseraient seule, qu’ils l’abandonneraient ? Que le fait de ne plus faire partie de SG1 allait anéantir tout ce qui les avait rapprochés au cours de ces années ?

Sam sourit en regardant Emilie rire sur les épaules de Teal’C. Le jaffa et l’enfant étaient inséparables.

Michael avait une grande admiration pour Daniel qu’il pouvait écouter des heures. Mais il s’était petit à petit rapproché de Jack, qui lui inspirait un profond respect. Jack s’était tout d’abord tenu un peu en retrait, n’osant pas trop aller vers le jeune garçon qui lui rappelait tant Charlie.

Michael appréciait cette réserve, et passa de plus en plus de temps avec O’Neill. Ils faisaient de longues ballades en forêt et Michael partit même pêcher avec Jack, au grand bonheur de Teal’C qui n’avait plus à redouter cette épreuve. Le petit garçon et le militaire étaient restés de longues heures assis au bord de l’eau, sans parler, à regarder les bouchons de leurs cannes à pêche rester désespérément immobiles. Michael avait demandé :
- Dis Jack, elle nous en veut, Sam ?
- Vous en vouloir ? Pourquoi ?
- Parce qu’elle est obligée de s’occuper de nous.
Jack se retourna vers le garçon et le considéra gravement.
- Sam ne vous en veut pas. Ce n’est pas de votre faute. Et elle vous aime ta sœur et toi, je te l’ai déjà dit. Elle n’aurait laissé personne d’autre s’occuper de vous. Elle n’y était pas obligée, elle aurait pu chercher une autre solution. Mais elle ne voulait pas.
- Mais elle va changer de travail ?
- Oui. Un peu.
- Papa disait toujours qu’elle adorait son travail.
- C’est vrai. Mais elle vous adore aussi, vous.
- Et toi ?
- Quoi moi ?
- Elle t’aime aussi ?
- Bien sûr. Elle aime Teal’C, Daniel et moi. Nous sommes une famille.
- Et bien moi je crois qu’elle t’aime plus que Teal’C et Daniel.
- Peut-être, répondit Jack en souriant.
L’enfant sourit aussi et ils se remirent à pêcher en silence.

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Le jour commençait à décliner. Sam, Daniel, Jack et Teal’C étaient sur le ponton. Emilie se trouvait avec eux, jouant avec à la poupée. Michael avait préféré rester à l’intérieur un moment pour jouer à la Gameboy. Après avoir perdu, il jeta la console avec rage à côté de lui et fit ainsi tomber la veste de Jack qui était posée sur le canapé. L’enfant la ramassa. Il avisa la poche, et mu par une curiosité enfantine, l’ouvrit. Les clés du pick-up et celles du chalet s’y trouvaient.

Michael n’était jamais monté dans un pick-up. Son père avait eu une grande voiture familiale, et pour venir au chalet il avait fait la route dans la voiture de Sam. Il prit les clés et sortit tranquillement du chalet, remontant le chemin de terre jusqu’à l’endroit éloigné où étaient garées les voitures.
A l’extérieur, au bout du ponton, de l’autre côté de la maison, les autres ne s’étaient même pas rendu compte que le petit garçon n’était plus dans le salon.

Michael ouvrit sans peine la porte et s’installa fièrement à la place du conducteur. Il posa les mains sur le volant. Il arrivait à peine à voir au travers du pare-brise et ne pouvait pas même effleurer les pédales. Il voulut faire mine d’enclencher le contact, mais les clés lui échappèrent des mains et tombèrent sur le sol. Il se pencha pour les ramasser, tâtonnant sous le siège. Ses doigts rencontrèrent un objet froid. Il le tira de sous le siège et contempla ébahi le lourd trésor qu’il venait de découvrir.

L’enfant sourit. Il allait bien s’amuser. Maintenant, il faisait presque partie de l’Air Force. Comme son grand-père, comme Sam, et comme Jack.

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Michael revint immédiatement dans le chalet, monta rapidement jusqu’à sa chambre et dissimula sa trouvaille sous son oreiller. Puis il redescendit et se rassit sur le canapé, remettant les clefs dans la poche de Jack.

Tout cela n’avait duré que quelques minutes.

Sam se leva et décida d’aller regarder le soleil se coucher sur le lac. Elle proposa à Emilie de l’accompagner, mais la fillette, qui montrait déjà des signes de fatigue, préféra rester près du chalet. Sam partit donc seule. En passant près de la maison, elle y jeta un rapide coup d’œil : Michael était toujours assis sur le canapé, sa Gameboy à la main. Il pouvait y passer des heures, si personne ne l’arrêtait.

Quand Sam eut disparu, Daniel se tourna vers Jack en souriant. O’Neill se renfrogna, se doutant de ce qui l’attendait.
- Quoi, Daniel ??
- Rien. Rien du tout. J’ai dit quelque chose, Teal’C ?
- Non Daniel Jackson. Mais vous étiez sur le point de conseiller à O’Neill de suivre le major Carter.
Daniel sourit de plus belle et Jack leva les yeux au ciel. Emilie ajouta :
- En plus Sam elle n’a pas son pull. Elle va attraper froid.
Cette fois le jaffa sourit à son tour et Jack se leva.
- Ok, c’est bon, j’y vais, mais c’est seulement pour lui apporter un pull…
- Bien sûr, répondirent en cœur Daniel et Teal’C.
O’Neill les foudroya du regard et rentra dans le chalet, ravi d’avoir une excuse pour rejoindre Sam. En s’approchant du portemanteau il ne vit pas sa veste et se rappela l’avoir jetée sur le canapé. Il avisa alors Michael, qui jouait toujours. Il saisit la veste qui reposait à côté de l’enfant et, fronçant les sourcils, plongea la main dans sa poche droite : les clés étaient bien là. Il soupira, sourit, et passa la main dans les cheveux de Michael qui sourit à son tour sans lever les yeux de l’écran. Puis Jack mit sa veste, prit le pull de Sam sur la chaise et sortit la retrouver.

Il marcha à peine dix minutes au bord de l’eau avant d’apercevoir la jeune femme, immobile devant la surface étincelante et dorée. Elle l’entendit arriver mais ne se retourna pas. Elle frissonna quand il déposa doucement le pull sur ses épaules.
- Je suis envoyé par votre nièce pour que vous n’attrapiez pas froid.
- C’est une idée de ma nièce ?
- Daniel et Teal’C l’ont aidée.
- Je me disais, aussi…
Jack se tenait toujours derrière Sam. Elle murmura :
- C’est vraiment magnifique.
- Oui, répondit Jack, comme absent.
Elle se retourna et vit qu’il l’observait. Elle sourit :
- Je parlais du lac.
Il sourit à son tour, feignant l’innocence :
- Mais moi aussi, Carter !
Elle se tourna à nouveau et ils restèrent quelques instants à observer le paysage en silence, Jack toujours debout à deux pas derrière Sam.

Le cœur de la jeune femme battait à tout rompre dans sa poitrine. Son estomac était noué. Il fallait qu’elle fasse quelque chose. Maintenant. Il fallait agir, profiter de cet instant magique et éphémère. Faire quelque chose. Vite.

C’est à cet instant que Sam sentit des bras l’enlacer et que le visage de Jack se blottit dans le cou de la jeune femme.

Elle crut un instant que son cœur venait de s’arrêter.

Elle ferma les yeux, posa ses mains sur celles de O’Neill et se laissa aller contre lui. Ils demeurèrent ainsi de longues minutes. Puis Jack sentit Sam se détacher tout doucement de lui. Il ouvrit les bras pour la laisser partir, mais elle se retourna juste et se retrouva face à Jack, toujours blottie contre lui. Elle leva ses magnifiques yeux bleus vers Jack et sourit. Il lui sourit à son tour, se pencha vers le visage qui s’offrait à lui et, sans plus la moindre hésitation, ferma les yeux et posa ses lèvres sur celles de la jeune femme avec une extrême douceur.

Le temps s’arrêta. Tout s’arrêta. L’univers disparut autour d’eux. Seuls comptaient les lèvres de l’autre, le souffle de l’autre, les mains de l’autre.

Et tout était si parfait. Tout était enfin si parfait.

Quand ils se détachèrent enfin, la nuit était presque tombée. Ils étaient toujours debout au bord du lac. Sam enfila son pull. Jack attrapa soudain la main de la jeune femme et murmura, comme inquiet :
- Je t’aime Sam, tu le sais, non ?
Elle sentit les larmes monter dans ses yeux, mais elle sourit et murmura dans un souffle :
- Oui. Je le sais. Tu le sais aussi, non ?
- Quoi ? demanda-t-il en souriant malicieusement.
Il voulait l’entendre. Il fallait qu’il l’entende. Bien sûr qu’il le savait. Mais il fallait qu’il l’entende.
- Que je t’aime, Jack.
Il la prit à nouveau dans ses bras et la serra contre lui comme si sa vie en dépendait.

Sans une parole de plus ils reprirent le chemin du chalet, main dans la main, sans presque se quitter des yeux. Ils se détachèrent en arrivant en vue de la maison. Emilie bondit dans les bras de Sam quand elle entra ; la fillette semblait affolée :
- Michael il a dit que t’avais été mangée par des loups !
Sam fronça les sourcils et regarda son neveu.
- Tu es fier de raconter de telles bêtises à ta sœur pour lui faire de la peine ?
Le petit garçon se renfrogna, marmonna des excuses et partit bouder devant la cheminée. Sam prit Emilie dans ses bras et s’approcha de la cuisine où le repas commençait à cuire. Jack s’approcha de Michael et lui demanda :
- Tu veux un gâteau au chocolat pour le dessert ?
- On n’en a pas.
- Non, mais je peux en faire un.
Sam et Daniel écarquillèrent les yeux et Teal’C haussa un sourcil. Le petit garçon sourit :
- On vous apprend à faire des gâteaux dans l’Air Force ?
- On nous apprend plein de choses, dans l’Air Force. Alors ?
Le petit garçon acquiesça en souriant. Il suivit Jack à la cuisine et, sous les regards éberlués des coéquipiers du colonel O’Neill, l’aida à préparer un délicieux gâteau.
Jack et Sam ne pouvaient s’empêcher de se jeter quelques coups d’œil en souriant, chose qui n’échappa bien sûr pas à Daniel et Teal’C. L’archéologue sembla bientôt aussi radieux que ses deux amis.
Quand ils passèrent tous à table un peu plus tard, le gâteau finissait de cuire et chacun d’eux rayonnait de bonheur. La soirée – et le gâteau – furent délicieux. Ils profitaient de l’harmonie enfin trouvée, enfin retrouvée, enfin parfaite.

Quand Jack, Teal’C, Daniel et Sam partirent se coucher, quelques heures après les enfants, la jeune femme jeta un coup d’œil hésitant à Jack qui installait son oreiller sur le canapé. O’Neill la vit, lui sourit et, profitant d’un moment d’inattention de Teal’C et Daniel, lui embrassa rapidement la main en murmurant :
- A demain, Sam.
- A demain.
Elle sourit et monta se coucher.

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Jack était à présent allongé sur le canapé, dans le noir, regardant le plafond avec un sourire aux lèvres depuis une heure. Il était parfaitement détendu, parfaitement… heureux.
Heureux. Il ne pensait jamais revivre cela. Jamais. Il pensait tellement ne plus en être capable. Ne plus y avoir droit.

Ce n’était pas possible. Tout était tellement… si… trop… Une ombre passa sur son visage et il se leva. Il regarda autour de lui ce chalet comme s’il le découvrait. Comme s’il le redécouvrait.

Il regarda la porte de la chambre d’amis, où dormaient Teal’C et Daniel.
Ses amis. Les meilleurs.

Il monta l’escalier sans bruit et s’arrêta devant la porte ouverte de la chambre de Charlie. La chambre d’enfant. Emilie était tournée contre le mur, emmitouflée dans sa couverture. Michael souriait dans son sommeil, une main passée sous son oreiller. Jack sourit en regardant le petit garçon.
Une chambre d’enfant. Habitée. Vivante. Enfin.

Il regarda enfin la porte de sa propre chambre, que Sam laissait ouverte pour pouvoir entendre les enfants pleurer. Il avança très lentement, comme hypnotisé, et s’arrêta sur le pas de la porte.

Elle était bien là, tournée vers la fenêtre. Il devinait la courbe de ses hanches et la blondeur de ses cheveux.

Son chalet du Minnesota.
Teal’C et Daniel dans la chambre d’amis.
Un petit garçon et une fillette dans la chambre de Charlie.
Et Sam dans sa chambre. Sam dans son lit.

Tout était à sa place.

Tout était, enfin, à sa place.

Un frisson parcourut Jack qui sentit ses mains trembler.

C’est à cet instant que Sam s’assit sur son lit et se tourna vers lui. Il se tenait toujours dans l’embrasure de la porte. Ils se regardèrent un moment, devinant l’autre à la clarté des étoiles. Puis Sam murmura :
- Viens.
Jack entra dans la chambre et ferma la porte derrière lui.

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Quand Jack se réveilla le lendemain matin, sa première pensée fut qu’il avait rêvé. Puis ses sens s’éveillèrent et il la sentit allongée contre lui. Il se détacha un peu d’elle pour la regarder dormir, allongée nue sur le matelas, souriante, sereine, tellement belle.
Il voulut effleurer sa peau à nouveau, mais retint son geste. Il ne voulait pas la réveiller. Il était encore tôt et ils avaient dormi… quoi… deux heures peut-être ? Jack sourit à cette pensée.

Il se leva, enfila son caleçon et son T-shirt, sortit très doucement de la chambre et referma la porte.

Il ne savait pas depuis combien de temps il n’avait plus été d’aussi bonne humeur un matin.

En passant devant la chambre des enfants, il constata qu’ils dormaient encore. Parfait, comme cela ils ne le verraient pas sortir de la chambre de Sam.

Sam.

Il sourit encore davantage et descendit lestement l’escalier. Quand il entra dans la salle, Teal’C et Daniel, leur tasse de café à la main, se retournèrent vers lui.

« Zut » pensa Jack. Il alla tranquillement à la cuisine se verser à son tour une tasse de café. La voix de Daniel s’éleva dans la pièce :
- Vous avez passé une bonne nuit, Jack ?
- Excellente Daniel.
- Bien dormi ?
Jack ignora la dernière question et sortit boire son café sur le ponton.

Sam se leva vers dix heures. Alors qu’elle se versait son café, Daniel entra dans la pièce pour prendre un livre. Il sourit, et Sam lui rendit son sourire.
- Bonjour Daniel.
- Bonjour Sam. Heureux de voir que vous avez suivi mon conseil.
- Quel conseil ?
- A propos du lit qui serait mieux que le canapé.
Daniel reçut un torchon en pleine figure et repartit en souriant de plus belle.

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La journée fut splendide.
Ils partirent tous faire une grande ballade, ayant emporté de quoi pique-niquer. Emilie finit rapidement sur les épaules de Teal’C. Le temps était très agréable pour un début de printemps et la montagne en fleurs ravissait chacun.
Sauf peut-être Daniel qui passait son temps à éternuer en pestant contre le pollen.

Michael avait parlé plusieurs fois d’organiser un « jeu de guerre » en rentrant le soir. Mais Emilie n’avait aucune envie de participer à un jeu de garçon et les quatre membres –ou ancien membre- de SG1 n’avaient pas envie de passer leurs vacances à reproduire ce qu’ils avaient vécu au quotidien dans des conditions souvent dramatiques.

Michael ne réussit donc à convaincre personne. Il bouda un moment et se promit d’y jouer malgré tout.

Ils rentrèrent au chalet en fin d’après-midi. Emilie resta à jouer tranquillement dans le salon, avec Teal’C et Daniel qui s’était installé pour lire devant la cheminée. Michael monta dans sa chambre.

Sam et Jack n’avaient pas pu être très proches durant la journée qu’ils avaient passée avec les enfants. Quand ils annoncèrent qu’ils partaient se promener le long du lac un peu plus loin, personne ne fit le moindre commentaire. Daniel se contenta de sourire largement, et Jack sortit rapidement pour ne pas céder à la tentation de frapper l’archéologue.

Michael descendit quelques secondes plus tard et demanda où étaient Jack et sa tante, et s’il pouvait les rejoindre. Daniel et Teal’C s’entre regardèrent, hésitèrent, mais Michael insista et Daniel soupira :
- Tu es sûr ? Bon, alors vas-y, mais ne les ennuie pas, hein !
Les yeux de l’enfant brillèrent de joie. Il remonta l’escalier quatre à quatre en prétextant avoir oublié son pull. Daniel se dit que Jack le tuerait quand il saurait que c’était lui qui avait autorisé l’enfant à les rejoindre.
Michael prit son lourd trésor sous son oreiller et le coinça à l’arrière de son jean, comme il l’avait si souvent vu faire dans les films. Il dut resserrer sa ceinture pour que son pantalon ne baisse pas trop, entraîné par le poids de l’objet. Il enfila un pull ample et redescendit l’escalier calmement. Il passa devant Daniel et Teal’C et sortit. L’archéologue ne leva pas les yeux de son livre. Teal’C suivit l’enfant du regard puis se replongea dans la contemplation du feu de bois.

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Le jour déclinait. Sam et Jack s’étaient retrouvés enlacés dès qu’ils avaient été hors de vue du chalet. Ils étaient à présent debout face au lac, Jack enserrant Sam devant lui, au même endroit où la veille ils avaient échangé leur premier vrai baiser. Ils parlaient de tout et de rien. Jack était en pleine forme, il sortait des bêtises toutes les deux minutes et ne se lassait pas d’entendre le rire de Sam. Le temps semblait s’être arrêté encore une fois. La vie s’offrait à eux. Une vie à deux, enfin. Ils plaisantaient sur la façon dont ils allaient l’annoncer au général Hammond. Sam espérait que savoir sa fille si heureuse aiderait un peu son père à refaire petit à petit surface. Elle n’avait plus peur de s’occuper de ses neveux, plus peur de ne plus faire partie de SG1. Avec Jack à ses côtés, elle savait qu’elle pourrait tout supporter, tout accepter.
Jack redécouvrait le bonheur d’avoir un but dans la vie. Un but autre que de détruire une race extra-terrestre. Le colonel O’Neill avait toujours été stimulé par les défis, et une famille n’était-il pas le plus beau d’entre eux ?


Le lac n’avait jamais été plus calme, la soirée plus douce.

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C’est alors que retentit la voix à côté d’eux :
« Haut les mains colonel !! »

Ils se retournèrent d’un bond.

Et Jack découvrit son propre revolver que pointait sur lui un garçon de dix ans.

Et Jack revit immédiatement un autre petit garçon, presque du même âge, avec un revolver presque semblable.

Le militaire réagit instantanément. En une fraction de seconde il fut sur l’enfant et poussa violemment le poignet d’une main tout en saisissant l’arme de l’autre. Michael tomba en arrière et se retrouva assis dans l’herbe, les yeux écarquillés, sans réaliser ce qui venait de se passer.

Sam recula d’un pas en découvrant le visage de Jack : un mélange de terreur et de rage déformait ses traits. Il hurla en montrant l’arme :

- OU AS-TU PRIS CELA ???

L’enfant le regardait sans comprendre, sans le reconnaître, et se mit à trembler de tous ses membres.

Sam n’avait jamais vu Jack dans cet état. Jamais. Elle n’avait même jamais imaginé qu’il puisse se mettre dans un tel état. Elle avait peur. Vraiment peur.

Le colonel avança d’un pas, brandissant toujours l’arme. Son visage était livide, ses yeux creusés par la colère. Il cria à nouveau :

- OU AS-TU PRIS CELA ???

Il fallait l’arrêter. Michael était prostré par terre, tétanisé. Peu de militaires auraient supporté le regard de Jack, alors un petit garçon de dix ans…
Sam s’avança vers O’Neill :

- Mon colonel… je vous en prie…

Elle était instinctivement revenue en mode militaire. Il fallait faire appel à l’homme raisonnable et maître de lui que le colonel de l’Air Force Jack O’Neill avait toujours été. C’était sa seule chance.

- LA FERME, CARTER !!!

Il ne l’avait même pas regardée. Il gardait son regard haineux fixé sur l’enfant. Celui-ci finit par se relever et partit en courant. Sam se retourna vers Jack qui dit d’un ton glacial :

- Partez. Allez le rejoindre.
- Et vous ?

Jack ne répondit pas et s’éloigna à grands pas dans la forêt, son arme toujours à la main.

Sam hésita un instant puis courut à la recherche de l’enfant. Elle le trouva quelques dizaines de mètres plus loin, allongé face contre terre, son corps secoué par les sanglots. Il avait manifestement butté contre une souche mais ne s’était pas blessé. Sam tomba à genoux près de lui et le prit dans ses bras. L’enfant tremblait de tous ses membres. Il réussit à articuler entre deux hoquets :
- Je suis… désolé Sam… je... Jack me déteste…
- Chutt… Non… il ne te déteste pas… Il a juste eu très très peur…
- Mais je ne lui aurais pas tiré dessus… c’était pour jouer…
- Il n’avait pas peur pour lui mon chéri… Il avait peur pour toi, peur que tu te fasses du mal.
- Mais je ne pouvais pas, c’est moi qui avais le revolver… Je suis désolé Sam…
- Je sais Michael, je sais. Je ne t’en veux pas, ne t’inquiète pas, tout ira bien.

Sam serra l’enfant davantage et sentit ses propres larmes couler sur ses joues. Elle continua de tenir Michael contre elle en silence.

Tout n’irait pas bien. Elle avait menti, elle savait que tout n’irait pas bien.

La porte du chalet s’ouvrit. Daniel et Teal’C se levèrent d’un même élan quand ils virent le visage de Sam. Elle leva la main pour prévenir toute question et s’agenouilla devant Michael qui était toujours cramponné contre elle.
- Michael, écoute moi. Tu vas aller te coucher dans mon lit, je viendrai te voir tout à l’heure. Tout ira bien, ne t’en fais pas. Je vais rester avec Teal’C et Daniel un moment.
L’enfant acquiesça et monta en silence. Sam se tourna alors vers Emilie, qui regardait la scène avec des yeux ronds.
- Ma chérie, va un peu jouer dans ta chambre s’il te plait. Je dois parler à Teal’C et Daniel.
- Ca va Sam ? demanda l’enfant, inquiète.
- Oui. Tout va bien. Vas-y.
Elle ramassa sa poupée et monta à son tour. Dès qu’elle eut entendu les deux portes se refermer, Sam s’effondra en pleurant sur le canapé. Daniel s’assit près d’elle et la prit dans ses bras. Teal’C s’agenouilla en face d’eux. L’archéologue demanda :
- Mon Dieu, Sam, qu’est-ce qui se passe ? Où est Jack ?
- Michael a trouvé un revolver je ne sais où et l’a pointé sur Jack.
- MICHAEL A FAIT QUOI ???? hurla Daniel.
- Jack l’a désarmé immédiatement… mais après…je ne l’ai jamais vu comme cela… Jamais… Il était… méconnaissable, de la rage pure. Il est parti. Je n’ai rien pu faire… J’ai été rattraper Michael.

Daniel ferma les yeux.
Lui avait déjà vu Jack comme cela. Les premières fois qu’ils s’étaient rencontrés. Juste après la mort de Charlie. Quand Jack O’Neill n’était que fiel, froideur et colère.

L’archéologue se leva doucement. Teal’C prit sa place sur le canapé et passa un bras autour de Sam. Daniel prit sa veste et une lampe torche.
- Je vais essayer de le trouver. Ne m’attendez pas.
Il sortit et commença à longer le lac dans l’obscurité.

Sam sécha ses larmes et resta un moment avec Teal’C. Puis elle monta dans sa chambre. Elle savait que le jaffa s’occuperait de faire manger Emilie et de la coucher. La jeune femme rejoignit donc sa propre chambre. Michael s’assit sur le lit en l’entendant entrer. Il pleurait toujours. Sam s’assit près de lui et le prit à nouveau dans ses bras. Il hoqueta :
- Mais je ne me serais pas fait mal ! Je ne risquais rien ! Je suis désolé !
Sam caressa doucement les cheveux bruns et se mit doucement à parler.
- Si Michael. Tu aurais pu te faire mal, sans le vouloir. C’est pour cela que Jack a eu peur. Il a cru que tu allais te faire mal. Il a déjà vu un petit garçon se faire mal comme ça.
- Qui ?
- Il y a longtemps, Jack a eu un fils.
- Comment il s’appelle ?
- Charlie. Et Charlie a un jour trouvé l’arme de Jack, comme toi. Et lui aussi pensait qu’il ne pouvait pas se blesser. Mais c’est arrivé.
- Et comment il va ?
Sam prit une grande inspiration pour empêcher sa voix de se briser.
- Il est mort mon chéri. Jack a essayé de le sauver mais c’était trop tard. Charlie est mort. Et c’est pour cela que Jack a eu très peur quand il t’a vu avec l’arme. Il a repensé à son petit garçon et a eu peur qu’il t’arrive la même chose.
Michael garda le silence un moment. Sam savait que tout cela était compliqué pour un petit garçon de dix ans. Mais il fallait qu’il sache, il fallait qu’il comprenne pourquoi Jack avait réagi ainsi.
- Jack me déteste.
- Non Michael. Mais… il faut lui laisser du temps. Il ne t’en veut pas, il s’en veut à lui, d’avoir laissé l’arme à ta portée et d’avoir failli te perdre.
- Non, c’est de ma faute, j’ai pris les clés dans sa veste hier… je voulais voir sa voiture, et j’ai fouillé, j’ai trouvé le revolver… mais il était caché, c’est de ma faute… Oh Sam je voudrais tellement que papa et maman soient là !!
- Je sais. Moi aussi, je voudrais vraiment qu’ils soient là pour nous consoler tous les deux.

Sam s’allongea aux côtés du petit garçon et le garda contre lui pour qu’il trouve enfin le sommeil.

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Daniel marchait depuis maintenant plus d’une heure. Comme il longeait le bord de l’eau, il vit les lumières du chalet s’éteindre petit à petit, seule la salle semblait rester allumée. Teal’C attendait très certainement leur retour.

Ce fut un éclat métallique qui attira l’attention de l’archéologue. Le revolver. Et Jack assis à côté, face au lac, face au chalet, qui ne sembla prêter aucune attention à la lumière de la lampe torche. Daniel l’éteignit et s’assit à son tour. Ils restèrent un long moment silencieux dans l’obscurité, regardant la faible lueur du chalet au-delà de l’étendue noire du lac.
Puis la voix de Daniel s’éleva doucement :

- Je crois… Je crois que je sais un peu ce que vous ressentez Jack.
- Je crois que non.

La voix de Jack était sèche, froide, glaciale même. L’archéologue eut l’impression d’être projeté neuf ans en arrière.

- J’étais là juste après la mort de Charlie, Jack. C’est à ce moment que nous nous sommes rencontrés je vous rappelle.

Jack ne répondit pas. Daniel enchaîna :

- Tout va bien, Jack. Michael va bien. Il n’a rien. Cela ne s’est pas reproduit. Cela ne se reproduira plus.
- Non. Tout ne va pas bien. Tout n’ira jamais bien. J’ai eu la faiblesse de le croire, l’espace d’une journée.
- Tout n’est pas perdu Jack. Vous avez Sam. Elle a besoin de vous…
- Carter n’a jamais eu besoin de personne.

« Carter ». Daniel soupira.

- Si elle a besoin de nous, de vous. Vous le savez Jack, vous l’avez toujours su. Surtout maintenant qu’elle a Michael et Emilie… Vous pouvez avoir une famille Jack.
- J’ai déjà eu une famille. Je n’en veux pas d’autre.
- Michael s’en veut Jack. Il s’en veut terriblement.
- Carter lui parlera.

Daniel comprit qu’il n’arriverait à rien de plus. Jack se leva, ramassa le revolver et le coinça dans son jean comme Michael l’avait fait un peu plus tôt. Daniel et lui prirent le chemin du chalet en silence.

Jack ne regarda même pas Teal’C en rentrant. Le jaffa se leva et regagna sa chambre sans un mot, suivi par Daniel. O’Neill s’allongea sur le canapé. Quand il se leva le lendemain vers 6 heures, il n’avait quasiment pas dormi.

Comme la nuit précédente. Pas pour les mêmes raisons.

Sam descendit quelques minutes plus tard et l’aperçut debout sur le ponton. Elle prépara le café et sortit avec deux tasses. Jack ne la regarda pas s’avancer. Il ne bougea pas quand elle lui tendit un café. Elle hésita, puis posa la tasse sur le sol.
- Michael est désolé. Je suis désolée.
Il ne répondit pas. Son visage était parfaitement inexpressif. Sam se sentit plus loin de lui qu’elle ne l’avait jamais été. Les larmes montèrent dans les yeux bleus de la jeune femme.
- Parle moi Jack. Dis quelque chose. Je ne sais pas… quoi faire… quoi dire… C’était une bêtise, une terrible bêtise d’enfant, Michael est…
- Une BETISE, Carter ?
Jack avait tourné son visage vers elle. A nouveau il était pâle de colère. A nouveau Sam recula. Il continua, un doigt pointé vers elle.
- Vous appelez cela une BETISE Carter ? MON FILS EST MORT DE CETTE BETISE CARTER !!! MORT !!!!
- Mais Michael est vivant lui ! Vivant et malheureux ! Il vous aime Jack ! Il vous admire ! Il…
- Il n’est pas Charlie. Personne ne sera plus jamais Charlie.

Sam sentit tout à coup la colère monter en elle. Elle s’avança d’un pas. Elle n’avait plus peur de lui.

- Vous vivez dans le passé. Vous avez toujours vécu dans le passé. J’ai essayé désespérément de vous offrir un avenir, mais en fait vous n’en voulez pas, colonel O’Neill. La souffrance des autres ne vous préoccupe pas, seule la vôtre vous intéresse. Et bien moi je dois penser à l’AVENIR. J’ai deux enfants, moi, maintenant, deux enfants bien vivants, contrairement à ma mère, à mon frère, à Janet, à tous ceux qui sont MORTS et qui ne reviendront PAS. Je dois penser à l’avenir, avec ou sans vous.

Ils étaient face à face, tous deux pâles de colère. Les yeux bruns rivés aux yeux bleus. Tous deux pleins de haine et d’amertume. Jack articula lentement :

- Nous avons juste couché ensemble, Carter. Il n’a jamais été question d’avenir.

Elle reçut la réplique comme une gifle mais ne cilla pas. Elle tourna les talons. Daniel et Teal’C étaient immobiles devant la porte du chalet et s’écartèrent pour la laisser passer. Elle posa sa tasse encore pleine sur le bar et partit réveiller les enfants. Une heure plus tard, les valises étaient chargées dans la voiture. Jack n’avait pas bougé du ponton. Teal’C et Daniel avaient aidé Sam à tout préparer et à faire déjeuner les enfants. La jeune femme et ses deux amis essayaient de rester souriants mais Emilie, et surtout Michael, n’étaient pas dupes. Cependant ils ne posèrent pas de question.

Au moment de partir, Michael prétexta avoir oublié quelque chose et rentra en courant dans la maison. Sam voulut l’accompagner mais Teal’C la retint en posant sa main sur son bras.

Michael avança doucement sur le ponton et dit :
- Je suis désolé Jack. Je sais… je sais que c’est à cause de moi qu’on s’en va. A cause de ce que j’ai fait. Je ne voulais pas… je ne savais pas pour Charlie. Je sais que tu me détestes, mais je voulais juste m’excuser.
Jack se retourna et regarda le garçon. Des larmes coulaient sur les joues de l’enfant. O’Neill se baissa et l’attira contre lui. Il murmura :
- Je ne t’en veux pas. Tu n’y es pour rien, Michael. Ce n’est pas à cause de toi, tout ça. C’est à cause de moi. Ce sont des histoires de grandes personnes. Je ne te déteste pas. Pas du tout.
Il sourit doucement et ajouta en passant la main dans les cheveux de l’enfant :
- Vas-y maintenant, Sam t’attend. Sois gentil avec elle, elle en a besoin. Elle a besoin de ta sœur et toi.
- On va se revoir bientôt ?
- Je ne crois pas Michael. Mais souviens-toi que ce n’est pas de ta faute et que je vous aime, Emilie et toi. Allez, sauve-toi.

L’enfant sourit et partit en courant. Jack le regarda un instant puis s’assit face au lac.
Daniel et Teal’C louèrent une voiture et partirent l’après-midi même. Ils ne reparlèrent pas à O’Neill. Il était impardonnable. Ce qu’il avait dit était impardonnable.

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Sam avait déposé Michael et Emilie à l’école. Elle était maintenant assise par terre contre la porte de sa salle de bain.

15, 16, 17, 18,…

Elle tentait de se concentrer sur le décompte des secondes.
Un mois. Un mois s’était écoulé depuis cette semaine chez Jack.
Elle n’était toujours pas revenue travailler au SGC. Le général Hammond avait accepté de lui laisser quinze jours de plus. Il n’avait pas fait de commentaire, mais Sam savait qu’elle n’aurait pas d’autre délai. Elle le comprenait parfaitement.

27, 28, 29, 30,…

Elle respira profondément.
Un mois. Elle n’avait pas revu Jack. Elle ne voulait plus revoir Jack. Elle savait déjà qu’elle allait demander son transfert au Pentagone, mais elle devait attendre les grandes vacances, elle ne pouvait pas faire déménager les enfants une fois de plus pendant l’année.

Les enfants…

43, 44, 45, 46,…

Daniel et Teal’C étaient passés plusieurs fois. Elle savait qu’elle s’était montrée distante. Elle voulait être distante. Elle voulait se détacher d’eux malgré elle. Et partir. Refaire sa vie. Se faire une vie, tout simplement.

Et maintenant ça.

…59, 60. Une minute.

Elle ne pouvait pas se décider. Elle tremblait. Elle finit par ouvrir la main et regarda le petit carré blanc. Et les deux traits bleus.

Elle n’était même pas étonnée. Elle le savait.

Elle jeta le test de grossesse contre le mur en face d’elle et s’effondra en pleurant sur le sol.

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- Vous pouvez m’expliquer cela, colonel ?
O’Neill était debout face au bureau du général Hammond, qui lui tendait une feuille de papier. Jack la parcourut rapidement. Le général ne décela aucun mouvement sur le visage du colonel. Ce dernier reposa calmement le papier et répondit froidement :
- C’est une demande de transfert du Major Carter, mon général. Je ne vois pas ce que je pourrais expliquer de plus.
Hammond s’appuya sur ses coudes et croisa les doigts sans cesser de dévisager Jack.

Que s’était-il passé ? Sam avait été obligée de quitter SG1 pour s’occuper de ses neveux, soit. Mais cela n’avait tout d’abord pas affecté ses rapports avec ses anciens coéquipiers. Puis ils étaient partis tous ensemble, pendant la convalescence du Docteur Jackson, dans le Minnesota. C’est tout ce que le général avait pu apprendre de Daniel.

Et à partir de là rien n’avait plus été comme avant. Daniel passait maintenant ses journées à travailler dans son bureau. Teal’C partait sur Chulak dès qu’ils rentraient de mission.

Et Jack…
Jack était froid, distant, hautain, désagréable avec tout le personnel. Il prenait des risques inconsidérés en mission, et n’avait dû plusieurs fois son salut qu’aux interventions de ses deux coéquipiers. Il semblait presque leur en vouloir de l’avoir secouru.

Comme eux lui en voulaient manifestement.
De quoi ?

Le major Carter avait demandé quinze jours supplémentaires. Elle était maintenant revenue travailler à la base depuis quinze jours. Le général l’avait parfois aperçue avec Daniel ou Teal’C, mais jamais avec Jack. Ils s’évitaient soigneusement. Elle arrivait avant 9 heures, ne quittait quasiment pas son labo et repartait comme une ombre avant 16h15. Et malgré ses nouveaux horaires elle abattait une charge de travail phénoménale, pire qu’avant.

Elle faisait peine à voir. Elle avait maigri, ses joues s’étaient creusées, son teint avait pâli.
Et ses yeux semblaient éteints. Elle marchait dans les couloirs comme un fantôme. Un fantôme qui sursautait dès qu’il croyait apercevoir le colonel O’Neill.

Et maintenant elle demandait à être transférée avant la rentrée des classes de septembre.

Le général Hammond avait espéré que SG1 survivrait au départ de Sam. Mais manifestement sa meilleure équipe, la meilleure unité qu’il ait jamais eue sous ses ordres, était en train d’imploser.

Jack était toujours devant lui. Froid et impassible, comme neuf ans auparavant. Hammond soupira et lui indiqua la porte d’un geste.

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Daniel n’en pouvait plus de cette situation. C’était insupportable. Il en pleurait souvent de rage devant son bureau.

Ils avaient tout perdu. Ils avaient tout eu, et tout perdu. En deux heures.

Il n’avait pas essayé de parler à Jack. Plus personne ne pouvait rien faire pour Jack, il avait été trop loin. Sam avait raison. S’il voulait vivre éternellement dans le passé, c’était son choix. Il avait eu la chance de tout recommencer, il l’avait laissée passer.

Daniel se sentait trahi. Trahi dans l’amitié sans faille qu’il éprouvait pour O’Neill depuis de longues années. Jack les avait trahis, lui et Teal’C, quand il avait détruit Sam. Car Jack avait détruit Sam. Il suffisait de la voir pour s’en rendre compte. Daniel ne comprenait pas comment elle tenait encore debout. Ou plutôt si, il le comprenait, c’était uniquement pour ses neveux.

Et maintenant elle voulait partir à Washington. Daniel, en garant la voiture devant chez elle ce dimanche matin, se dit qu’en réalité Sam était déjà partie depuis longtemps.

Sam ouvrit la porte. Elle était en jean et T-shirt. Daniel se demanda si elle n’avait pas encore maigri. Ils se forcèrent tous deux à sourire. L’archéologue se rendit tout de suite compte que la maison était étonnamment silencieuse.
- Les enfants ne sont pas là ?
- Non, ils ont dormi chez des camarades.
Daniel ouvrit le sac de papier qu’il tenait à la main et le tendit en souriant :
- Alors tous les beignets sont pour vous !
L’odeur d’huile encore chaude monta aux narines de Sam. Elle porta la main à sa bouche et courut aux toilettes. Daniel lâcha le paquet et la suivit, affolé. Il soutint le front tremblant de Sam pendant que l’estomac de la jeune femme se tordait de spasmes.

Elle se calma enfin mais resta assise à côté des toilettes en silence. Daniel alla chercher un verre d’eau.

Il la regarda boire puis comprit. Tout à coup. C’était évident.

Elle leva les yeux vers lui, soupira et se passa la main sur le visage.

- On descend ? On sera mieux pour parler Sam.
Elle acquiesça. Ils se retrouvèrent bientôt face à face au salon. Ils gardèrent le silence un long moment. Puis Daniel murmura :

- C’est Jack ?
- Oui.
- Donc cela fait…
- Deux mois.
- Quand allez-vous le lui dire ?
- Je ne vais pas le lui dire.
Daniel s’attendait à cette réponse mais ne pouvait l’accepter.
- Il a le droit de savoir.
- Non. Il n’a aucun droit. Comme il l’a dit, on a juste couché ensemble, rien de plus.
- SAM ! Je ne l’ai pas accepté dans la bouche de Jack, je ne l’accepterai pas non plus dans la vôtre !
Elle éclata en sanglots. Daniel vint s’asseoir à côté d’elle et la prit dans ses bras. Les larmes ruisselaient sur les joues pâles de la jeune femme. L’archéologue la berça contre lui. Elle se calma petit à petit et le regarda :
- Où est-ce que nous avons commis une erreur ? J’ai eu tellement mal à la mort de Mark, et tout à coup, tout était si parfait, je croyais avoir une chance… une chance d’être heureuse…
- Je crois que Jack aussi y a cru. C’est ce qui lui a fait peur. Il a peur. Peur d’être heureux à nouveau et de tout perdre à nouveau. Et nous savons tous deux de quoi est capable Jack quand il a peur. Mais vous avez encore une chance Sam, il faut lui dire que vous êtes enceinte, je suis sûr qu’il reviendra et…
- Je ne veux pas qu’il revienne pour ça. Je peux l’assumer seule. Je sais m’occuper d’enfants maintenant, j’en ai déjà deux…
Elle sourit faiblement. Daniel demanda :
- Comment cela se passe avec eux ?
Les larmes de Sam recommencèrent à couler.
- Mal. Michael est plus calme, mais ils sont malheureux. Et je suis incapable de les consoler, vu l’état dans lequel je suis. Daniel… j’ai honte mais…parfois je leur en veux. Je me demande ce que serait ma vie si tout cela n’était pas arrivé… si Mark… si je n’avais pas été obligée…
- Je comprends Sam. C’est normal. Il n’y a pas à avoir honte. Et vous n’y avez pas été obligée. Vous auriez pu les laisser à leurs grands-parents, à une cousine, que sais-je. Mais vous avez fait un choix courageux, le plus courageux de tous. Et pour cela vous avez abandonné votre carrière, SG1. C’est normal que parfois vous ressentiez un peu de rancune. Vous regrettez ?
- Non. En fait non.
Elle sourit faiblement puis redevint grave :
- Que vais-je faire Daniel ? J’ai tellement rêvé de cet enfant, de cet enfant de lui… Mais maintenant je suis toute seule. Ou plutôt non, je dois m’occuper aussi de Michael et Emilie, comment vais-je faire…
Elle s’appuya la tête dans les mains.
- … Mon Dieu Daniel, on a passé une nuit ensemble Jack et moi, une seule nuit !!!
- C’est vous la scientifique Sam, je ne vais pas vous expliquer comment ça se passe.
Elle releva la tête et vit Daniel qui souriait. Elle sourit à son tour. L’archéologue dit doucement :
- Cet enfant peut sauver bien du monde : vous, Jacob, Jack… Ne le vivez pas comme un fardeau. C’est une chance, peut-être notre seule chance.
- Non Daniel. Je ne veux pas lui dire. Je ne veux pas qu’il sache. Il est si… froid et distant. Je ne peux pas lui parler, il est si différent de l’homme que j’aime.
- Non Sam. C’est toujours Jack. C’est ce qu’il y a de pire en lui, mais c’est toujours Jack. C’est celui que j’ai connu il y a neuf ans, l’homme dévasté qui a peur de souffrir à nouveau. Michael n’est absolument pas responsable, mais il a fait ce qu’il ne fallait pas juste quand il ne fallait pas, quand Jack avait enfin baissé sa garde, enfin cru au bonheur, enfin eu à nouveau confiance en l’avenir. Et c’est alors le passé qui a rejailli devant lui sous la forme d’un revolver dans la main d’un petit garçon.
Elle secoua la tête.
- Vous avez sûrement raison Daniel. Mais je ne peux pas l’obliger à croire en l’avenir. J’ai déjà assez de mal à croire dans le mien.

Daniel et Sam restèrent à discuter une bonne partie de la journée. Ils s’étaient enfin rapprochés, après ces semaines de malaise, et cela leur faisait à tous deux un bien immense. L’archéologue ne parvint cependant pas à convaincre son amie de partager son secret avec d’autres et accepta à contrecœur de se taire.

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Daniel était depuis ce jour-là aux petits soins avec Sam : il passait fréquemment à son labo pour l’obliger à se ménager des pauses dans son travail et veillait à ce qu’elle s’alimente à peu près convenablement. Ils avaient retrouvé leur complicité et passaient à nouveau beaucoup de temps ensemble. Michael et Emilie ne se lassaient pas d’écouter les récits mythologiques de l’archéologue qui avait un don exceptionnel de conteur.

Daniel s’était retrouvé un jour au mess avec Teal’C. Le jaffa avait demandé de sa voix calme :
- Comment va le major Carter ?
- Mieux, peut-être. Elle réussit doucement à accepter sa nouvelle vie, cela se passe de mieux en mieux avec les enfants. Mais elle est décidée à partir pour Washington.
- Donc elle ne veut pas le dire à O’Neill ?
Daniel écarquilla les yeux et resta figé, sa fourchette en l’air.
- Dire… dire quoi, Teal’C ?
- Qu’elle attend un enfant de lui, Daniel Jackson.
- Comment… qui vous a dit… ?
Un sourire passa sur le visage du jaffa.
- Je parle peu, Daniel Jackson, mais j’observe les gens. Et je connais bien le Major Carter.
Daniel sourit à son tour et soupira.
- Non Teal’C, elle ne le lui dira pas. Et elle ne veut pas que nous lui en parlions. Si seulement Jack pouvait se préoccuper des autres comme vous le faites, Teal’C…
- Merci. Mais je crois qu’actuellement O’Neill ne regarde plus rien ni personne autour de lui.
- Je sais Teal’C. Je sais.

Sam fut en fait soulagée d’apprendre que le jaffa s’était aperçu de sa grossesse. Soulagée et fière d’avoir de tels amis et de pouvoir partager cela avec eux. A partir de là, Teal’C passa lui aussi plus de temps à ses côtés, à la plus grande joie d’Emilie qui restait à nouveau des heures dans les bras du jaffa.

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- Jack c’est du suicide !!! cria Daniel. O’Neill ne prêta pas la moindre attention aux paroles de l’archéologue qui était toujours allongé à ses côtés, tirant sur les jaffas.

La scène se répétait encore. Combien de fois Jack avait-il pris ce genre de décision depuis trois mois ? Assez pour avoir risqué de mourir au moins vingt fois. Sans sa chance insolente et ses coéquipiers, O’Neill serait mort depuis longtemps.

- C’est un ordre ! Teal’C et vous passez la porte, je prépare la charge de C4 et je vous rejoins !
- Il ne faut pas utiliser le C4 ! Nous sommes juste devant la porte ! Nous pouvons sauter dans le vortex…
- NON ! On peut les avoir, on peut les tuer tous grâce à la charge, je ne veux pas laisser passer cette occasion !
- Mais c’est ridicule, ce ne sont que des jaffas !… cria Daniel
- O’Neill… tenta Teal’C
- Ce sont des Goa’ulds ! Et notre mission est de tuer des Goa’ulds, au cas où vous l’auriez oublié Docteur Jackson !
Daniel laissa échapper un juron. Jack l’avait une fois de plus appelé par son nom. L’archéologue savait qu’il n’en tirerait rien de plus.

Le colonel O’Neill jeta un coup d’œil à Teal’C et Daniel et hurla :
- Ouvrez le vortex et partez, c’est un ordre !
Teal’C et Daniel échangèrent un regard et commencèrent à se replier vers la porte pendant que Jack préparait les charges de C4. Les quinze jaffas étaient à quelques mètres.
O’Neill entendit le vortex se former. Il arma la charge et rampa à reculons mais il lui était impossible de s’approcher davantage du DHD, les tirs des jaffas sifflaient en tous sens. Et la charge allait exploser dans quelques secondes maintenant.

O’Neill ferma les yeux un instant mais les rouvrit immédiatement. Il voulait voir sa mort en face.

Mais ce ne fut pas la mort qui vint. Ce fut la main de Teal’C qui l’attrapa par le col de sa veste et le tira d’un geste brutal vers l’arrière. Jack se retrouva derrière le DHD quand la charge explosa.

Le DHD trembla sur son socle. Quand le nuage de poussière se dissipa, les trois hommes découvrirent les derniers jaffas gisant à terre.

Et la vague du vortex, toujours ouvert, qui faisait d’étranges circonvolutions.

O’Neill rugit :
- Que faites-vous là ! Je vous avais ordonné de partir !
Daniel et Teal’C ne répondirent même pas. A quoi cela aurait-il servi de toutes façons ?

Les trois hommes se relevèrent et regardèrent le halo bleuté qui se fermait par intermittence. Daniel soupira :
- Le vortex n’est plus stable et le DHD semble hors d’usage. On est bloqués. Je vais essayer de faire passer un message.

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Jacob était dans le bureau de Hammond. En tant qu’agent de liaison avec la Tok’ra, il était obligé de revenir sur Terre de temps à autre, même s’il s’arrangeait le plus souvent pour envoyer Anise à sa place. Celle-ci étant actuellement en mission, le général Carter avait du se résigner à venir lui-même.

Selmak avait réussi à garder Jacob physiquement en forme. Mais les longues conversations muettes qu’il avait eues avec son symbiote n’avaient que très peu apaisé la douleur du père de Sam.

Ses contacts avec sa fille étaient rarissimes, au grand désespoir de cette dernière. Elle n’était arrivée à lui parler qu’à de rares occasions, et toujours au SGC. Jacob avait refusé de revoir ses petits-enfants. Il prétendait n’être pas prêt. Il fuyait toute discussion, et se montrait distant avec tout le monde au SGC, Sam y compris. La jeune femme ne lui avait bien sûr pas annoncé qu’elle était enceinte.

Le comportement de son père rappelait à Sam celui de Jack. Et elle n’était pas prête à supporter deux fois la même attitude de la part des deux hommes qu’elle aimait le plus au monde. La jeune femme avait donc abandonné toute tentative de discussion avec Jacob et se contentait pour le moment des quelques contacts que leur permettaient leurs travaux respectifs.

Les sirènes retentirent : « activation extérieure non programmée ».

Jacob suivit le général Hammond en salle de commande.
- C’est le code de SG1.
- Ouvrez l’iris.
La vague bleutée s’ouvrit mais rien ne se passa. Les secondes s’égrenaient sur les écrans et personne n’apparaissait. Puis tout à coup la vague se tordit, tressauta, et une gerbe d’étincelles éclata de la porte.
- Que se passe-t-il ??
- Le vortex est devenu instable !
- Fermez la porte ! Fermez l’iris !
- Impossible ! Le vortex refuse de se refermer, il semble bloqué depuis l’autre côté, il y a un dysfonctionnement ! Il faudrait déconnecter tout le système !
- Alors allez chercher le major Carter !

Quand la jeune femme arriva en courant en salle de commande, elle nota à peine la présence de son père et se figea devant la porte :
- Que se passe-t-il ? Il faut fermer la porte, le vortex n’est pas stable, la puissance de la porte risque de tout faire sauter si on le laisse ouvert !
- Impossible major, c’est pour cela que je vous ai fait appeler.
L’un des soldats au poste de commande s’écria :
- On capte un signal mon général ! Mais la transmission est très mauvaise !
- Passez le quand même.
L’homme tapa sur son clavier et la voix de Daniel retentit, hachée et extrêmement lointaine :

- impossible … passer ou fermer… instabl…DHD bloqu…

Sam avait blêmi en reconnaissant la voix de Daniel. C’était donc SG1 qui se trouvait de l’autre côté. Elle poussa l’un des techniciens et prit sa place devant les commandes. Ses doigts volaient sur les touches.
Jacob et Hammond, qui ne la quittaient pas des yeux, l’entendirent murmurer :
- Combien de temps… combien…
Après quelques dizaines de secondes qui semblèrent des heures, elle se retourna vers eux :
- Mon général, il faut les faire revenir et fermer la porte avant moins de deux heures. L’énergie de la porte s’amplifie progressivement, et au bout de ce laps de temps elle explosera. Et nous et eux avec.
Hammond se passa une main sur le visage.
- Je vous laisse une heure et demie pour nous trouver une solution. Après… après on avisera.
Pendant ce temps, on va tâcher d’envoyer un message à SG1 pour leur expliquer la situation.

Sam se replongea sur son clavier. Jacob fixait la vague instable.

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Teal’C, Daniel et Jack avaient fini par comprendre le contenu du message que le SGC leur envoyait en boucle depuis trente minutes : SG1 ne devait pas tenter de passer la porte, ils cherchaient une solution pour stabiliser le vortex.

Jack était furieux, comme d’habitude. Il était assis par terre, l’arme au poing au cas où d’autres jaffas arriveraient. Il savait que la porte était ouverte sur le SGC, et donc sur la Terre.
Daniel essayait de faire fonctionner le DHD mais rien ne se passait, il était toujours bloqué sur les coordonnées de la Terre.

Daniel jura et s’assit à son tour, à côté de Teal’C. Il avisa Jack et lui dit d’une voix pleine de rancœur :
- Tout cela à cause de votre plan une fois de plus ! Je vous avais dit que la charge était trop proche de la porte !
- Taisez-vous Daniel ! Si vous aviez suivi mes ordres et que vous étiez partis dès que je vous l’ai dit, la porte aurait eu le temps de se refermer avant l’explosion !
- Mais vous…
- Je vous avais donné un ordre !!! UN ORDRE !!!!!
- Un ordre stupide O’Neill, trancha le jaffa, sourcils froncés.

Jack ne répliqua pas et continua de scruter les alentours. Il faisait nuit noire et la steppe face à eux était silencieuse.

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- Je peux stabiliser le vortex, mais uniquement dans un sens, annonça Sam en faisant irruption une heure plus tard en salle de briefing, où se trouvaient à présent le général Hammond et Jacob.
- Comment cela ?
- J’ai le matériel nécessaire pour me brancher sur le DHD, contrôler la puissance pendant un laps de temps réduit – quelques secondes - et permettre à des humains de traverser la porte sans encombres. Mais le passage ne peut être sécurisé que dans un seul sens, je crains, le vortex est trop instable pour pouvoir être rétabli des deux côtés en même temps. Sinon il me faudrait plus de temps mais l’augmentation de la puissance ne nous en laisse pas.
- Et donc ?
- Et donc il faut que je sois du même côté que ceux qu’il faut faire passer. Il faut que je rejoigne SG1.

Jacob rugit :
- C’EST HORS DE QUESTION !
Sam ne lui accorda pas la moindre attention et regardait le général Hammond qui la fixait lui aussi en silence.
- Je ne peux pas vous laisser faire cela major.
Elle s’appuya sur la table de réunion en face de lui.
- La seule autre solution est de déconnecter le système. Mais nous ne savons pas, puisque la porte de leur côté est endommagée, si nous pourrons un jour la rouvrir.
Hammond croisa nerveusement les mains et murmura :
- Vous ne pouvez pas faire cela major. Vous n’avez pas repassé la porte depuis des mois et, je vous le rappelle, vous êtes responsable de deux enfants maintenant…
« Presque trois » pensa Sam.
- … que deviendront-ils s’il vous arrive quelque chose ?
- Il ne m’arrivera rien mon général. La manœuvre est simple et je suis sûre de mes calculs.
- Dans ce cas, pourquoi ne pas l’expliquer à quelqu’un d’autre qui partirait à votre place ?
- Pas le temps. Vous savez que je suis la plus qualifiée, vous savez que vous devez m’envoyer. Ne me protégez pas mon général, je peux le faire moi-même.

Hammond regarda la jeune femme. Bien sûr il pouvait déconnecter la porte, Jacob contacterait la Tok’ra qui enverrait un vaisseau les récupérer… peut-être… ou Thor…. Le général soupira : Sam avait raison. Il fallait qu’elle y aille. Il acquiesça d’un geste de la tête. Jacob bondit :
- George, tu ne peux pas la laisser partir, s’il arrive la moindre chose à Sam…
- Je n’ai pas le droit de la retenir pour des motifs non professionnels Jacob. Elle est notre meilleure spécialiste de la porte, si elle dit qu’elle doit y aller c’est qu’elle doit y aller. Tu le sais comme moi.
- Alors je pars aussi.
- Jacob, non, tu…
- C’est ma fille ! Je ne la laisserai pas partir seule, George ! Je dois être là si…
Jacob n’acheva pas sa phrase. Sam le regarda, les larmes aux yeux. Le général Hammond savait qu’il ne le retiendrait pas. S’il devait y avoir un problème, Jacob voulait être aux côtés de sa fille. Au moins aux côtés de Sam, puisqu’il n’avaient pu être là ni pour sa femme ni pour son fils.
- Soit. Préparez-vous. Carter, prenez tout le matériel dont vous avez besoin. J’allais vous dire de passer à l’infirmerie mais je crois que nous n’avons plus le temps. Bonne chance.
Sam partit en courant. Heureusement qu’elle n’avait pas le temps de passer à l’infirmerie, pour le coup personne ne l’aurait laissée partir…

Quand elle revint en salle de commande en treillis quelques minutes plus tard, son père l’attendait. Elle se rua à nouveau sur le clavier. Pendant ce temps des techniciens s’affairaient à côté de la porte. Ils lui firent signe au travers de la vitre et elle descendit en courant dans la salle d’embarquement, un lourd sac sous le bras. Elle resta à côté du général Hammond et de son père, scrutant la surface bleutée. L’inquiétude de Hammond se lisait sur son visage. Sam lui sourit et murmura :
- Ne vous en faites pas, mon général, on sera bientôt de retour. De toutes façons je dois aller chercher les enfants à cinq heures.

A ce moment l’énergie de la porte sembla décroître un instant, les lumières de la salle tremblèrent un instant et le vortex sembla se stabiliser. Sam cria :
- Maintenant !
Jacob et elle s’engouffrèrent dans la vague bleutée.

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Un flash lumineux plus intense se dégagea de la porte. Un instant plus tard, le major Carter et son père posèrent le pied sur P8X535.

Les trois hommes furent immédiatement sur leurs pieds. Jack réagit en premier :
- Carter, mais bon Dieu qu’est-ce que vous foutez là ???
Il avait hurlé, mais c’est de l’inquiétude et non de la colère qui se lisait à cet instant sur son visage.

Sam ne répondit rien. Elle vacilla. Jacob la rattrapa alors qu’elle allait s’écrouler sur le sol, livide et manifestement sonnée. Daniel se précipita :
- Mais Sam, qu’est-ce qui vous a pris… repasser la porte dans votre…
La jeune femme leva les yeux vers lui et Daniel se tut instantanément en se souvenant que ni Jack ni Jacob n’étaient au courant. L’archéologue aida la jeune femme à se relever. Elle murmura :
- Je n’avais pas le choix. Je peux nous faire retraverser, mais je devais être de ce côté. Aidez-moi.
Jacob et Daniel aidèrent Sam à sortir son équipement et suivaient les instructions de la jeune femme. Teal’C l’observait en silence, sourcils froncés : le teint pâle de son amie, la sueur sur ses tempes et les frissons qui la parcouraient ne lui inspiraient rien de bon. Jack restait en retrait, les yeux fixés lui aussi sur la jeune femme qui s’affairait sous le DHD.

Sa présence le calmait. Etrangement, il se sentait apaisé, rassuré même. Non pas qu’il ait eu peur de mourir. Non. Et surtout pas ses derniers temps. Mais il avait peur de lui, de ce qu’il était en train de devenir. Et la présence de Sam à ses côtés, à quelques centaines d’années lumière du SGC, faisait taire pour quelques minutes le militaire infect qu’il était redevenu.

Teal’C, Daniel, Jacob et Sam à ses côtés. Enfin.

Ils étaient restés parfaitement silencieux pendant que Sam travaillait. Quand elle eut fini les derniers branchements, trente minutes plus tard, elle se retourna vers eux, souriant presque :
- Ca y est. Il suffit que je branche et cela va fonctionner, on pourra rentrer.
- Bien. Vous passez en premier major, ordonna Jack.
- Non. Je dois passer la dernière pour vérifier la stabilité du vortex jusqu’au dernier moment.
- Je passerai avec vous.
Jacob avait ouvert la bouche mais Jack avait été plus rapide. Les regards des deux hommes se croisèrent et Jack dit doucement :
- C’est mon unité Jacob. Je passe le dernier. Et je ramène votre fille. Vous avez ma parole.
Ce que vit le général Carter dans les yeux de O’Neill le rassura. Il ramènerait Sam. Jacob acquiesça et ils se tinrent tous devant la porte, attendant le signal de Sam. Celle-ci était toujours accroupie près du DHD, pianotant sur son ordinateur portable. Un éclair illumina la porte à nouveau et Sam cria :
- Allez-y !
Teal’C, Daniel et Jacob s’engouffrèrent dans le vortex et disparurent.
La vague se remit à vaciller. Jack regarda Sam en fronçant les sourcils. Elle ferma son ordinateur et se releva :
- On devrait avoir à nouveau un passage dans quelques secondes…
- Si vous le dites, Carter, cela ne peut être que vrai.

Elle le regarda. Il souriait. Depuis combien de temps n’avait-il pas souri ? Trois mois.

Ils étaient à plusieurs centaines d’années lumières de la Terre, devant la porte des Etoiles.
Sam et Jack devant la porte des Etoiles. Là où tout avait commencé.
Elle l’avait passée pour la première fois à ses côtés.
Maintenant elle savait que ce serait la dernière. Elle pouvait en profiter. Et elle était avec lui. Elle passerait la porte avec lui, comme la première fois.

Un nouvel éclair illumina la porte et le vortex se stabilisa à nouveau. Jack murmura :
- On y va ?
Elle lui sourit et acquiesça. Il mit une main dans le dos de la jeune femme.
Comme la première fois.

Et ils avancèrent côte à côte dans la surface bleutée.

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Jack et Sam arrivèrent sur la rampe métallique quelques secondes à peine après Teal’C, Daniel et Jacob.

Elle descendit la rampe d’un pas peu assuré, trébucha ; Jack la retint, soudain inquiet. La jeune femme releva la tête et fit un signe de la main aux techniciens.

La pièce se retrouva plongée un instant dans une quasi obscurité et la porte se referma derrière eux dans un éclair gigantesque.

La voix du général Hammond retentit dans les haut-parleurs depuis la salle de commande :
- Heureux de vous voir tous entiers. Félicitations major Carter.
Elle releva la tête et fit un sourire mal assuré. Jack se détacha soudain d’elle et son visage redevint sévère.
- Oui, merci Major, dit-il froidement avant de prendre la direction de la sortie, laissant Sam debout au bas de la rampe.

C’était tout ? « Merci Major ? » Daniel balança son casque qui rebondit bruyamment contre le mur de la salle. Jack se retourna, fronça les sourcils et Sam, livide, s’appuya sur la rambarde de la rampe d’accès.

Daniel semblait soudain ivre de colère.

- Mais cela va durer combien de temps ?? Combien de temps encore allez-vous vous cacher derrière votre satanée fierté, Jack ?!
- Daniel, je vous ordonne…
- Vous ne m’ordonnez plus rien du tout Jack ! Je ne suis pas un de vos petits soldats ! Vous ne pouvez pas me forcer à me taire ! Pas de « c’est un ordre Major » avec moi ! Et je ne me tairai pas, j’en ai marre de me taire et de vous regarder ruiner votre vie et la nôtre par la même occasion ! Marre de vous voir jouer les militaires insensibles, les machines de guerre, marre de devoir supporter votre comportement inadmissible en mission et votre manque de professionnalisme ! Car c’est de votre faute si Sam a été obligée de venir !
- Attention à ce que vous allez dire Daniel.
Jack s’était avancé d’un pas mais Daniel n’y prêta aucune attention.
- Et qu’est-ce que vous allez faire ?? Un rapport ?? M’envoyer au trou ?? Me casser la figure, là devant tout le monde ?? Parce que j’aurai osé dire que le grand Jack O’Neill se conduit comme un beau salaud ??

Le poing de Jack atteignit Daniel en plein sur la mâchoire. Les lunettes volèrent sur le sol et l’archéologue tomba à la renverse.

Tous restèrent figés de stupeur.

Jack demeura interdit pendant que Daniel se remettait péniblement debout en se massant la joue. O’Neill ouvrit la bouche pour parler mais à cet instant Daniel releva la tête, et s’écria :

- SAM !!!!

La jeune femme était en train de glisser lentement le long de la rambarde d’acier, paupières closes, pâle comme la mort.

Elle n’avait pas atteint le sol quand Jacob la retint délicatement. Jack se précipita et la souleva dans ses bras. Avant que quiconque ait pu dire quoi que ce soit il était sorti de la pièce et se dirigeait à toute allure vers l’infirmerie, suivi de Teal’C, Jacob et Daniel qui remettait ses lunettes.

Quand Jack déposa Sam sur le lit, elle était totalement inconsciente. Les quatre hommes étaient consternés. Ils regardaient le médecin s’affairer autour d’elle, demander les constantes, vérifier les pupilles… Soudain il se retourna vers Jack :

- Colonel, elle a montré des signes de faiblesse ? Des vomissements ? Mal au crâne ? Quelque chose d’inhabituel ?

Jack balbutia :
- Je ne sais pas…je… je ne sais vraiment pas…

Daniel vit le médecin prendre une seringue sur un plateau, et n’hésita qu’une seconde :
- Elle est enceinte. De trois mois. Elle est fatiguée et se nourrit mal, mais sinon ça va.
Le médecin écarquilla les yeux :
- Et elle a passé la porte ?? Mais c’est de la folie ! Bon, sortez, on vous tiendra au courant.

Daniel attrapa machinalement une poche de glace qu’il s’appliqua sur la joue et sortit lentement de l’infirmerie. Il s’apprêtait à regagner ses quartiers quand une voix s’éleva derrière lui.

- Qu’est-ce que vous avez dit, Daniel ?

L’archéologue se retourna lentement et se retrouva face à Jack. Le visage du colonel était tendu, fermé, ses yeux bruns semblaient sonder ceux de Daniel. Celui-ci pensa un instant à l’envoyer promener, à lui dire que cela ne le concernait pas, qu’il avait renoncé depuis des mois à faire partie de la vie de Sam …
Mais en fait Daniel était fatigué. Fatigué de se battre, fatigué de lutter, fatigué. Il répondit donc doucement :
- J’ai dit qu’elle était enceinte. Et c’est vrai.
Jack sembla s’animer soudain et leva les mains en signe d’incompréhension.
- Mais comment…enfin… qui… quand…
- Trois mois Jack. Sam est enceinte de trois mois. Réfléchissez, même vous, vous devriez être capable de faire le calcul.

Jack ouvrit la bouche pour répondre mais s’interrompit au milieu de son geste. Il écarquilla les yeux et ses lèvres tremblèrent. L’expression de son visage changea. Daniel y lut quelque chose qui ressemblait à de l’incrédulité et… à de la peur.

Daniel tourna les talons et, sa poche de glace sur la joue, laissa Jack seul debout au milieu du couloir.

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Quand Sam ouvrit les yeux elle découvrit Daniel assis à côté d’elle à l’infirmerie.

Avant même qu’elle ait eu le temps de s’inquiéter, l’archéologue dit :
- Le bébé va bien Sam. Vous avez fait une brutale chute de tension et une réaction un peu violente au passage de la porte, mais tout va bien, il faut juste vous reposer. Teal’C est parti chercher les enfants et il les ramène chez vous, il va les rassurer. Hammond est furieux de vous avoir laissée partir alors que vous êtes enceinte !
Sam sourit. Daniel sourit aussi puis parut soudain mal à l’aise :
- Sam… je…enfin… Le médecin a demandé ce que vous pouviez avoir, vous étiez inconsciente… Je lui ai dit que vous étiez enceinte de trois mois.
Sam fronça les sourcils :
- … Et ?
- Jack et votre père étaient dans la pièce ; ils ont tout entendu. Ils ont tout compris.
La jeune femme ferma les yeux et soupira. L’archéologue continua :
- Jacob est avec Hammond, il va être ravi de vous savoir réveillée. Il n’a pas… réagi.
- Et Jack ?
- Je ne l’ai pas revu. Il a quitté la base. Je suis désolé Sam.
- Ne le soyez pas Daniel, vous n’aviez pas le choix. Je suppose qu’il fallait bien que cela arrive.
- Vous avez pris de gros risques en venant nous chercher ! Pour vous, pour Michael et Emilie, et surtout pour le bébé.
- Je n’avais pas le choix. Nous n’allions pas vous laisser là-bas. Et puis tout s’est bien terminé, non ?
La voix de Sam était pleine d’amertume. Daniel lui fit un sourire triste :
- Je suis désolé Sam. J’espérais…
- Quoi ? Que le colonel O’Neill se précipiterait à mes pieds pour implorer mon pardon ?
- Oui. Je me rends compte maintenant que c’était stupide.
- Oui c’était stupide. Mais j’avais espéré la même chose, Daniel.
L’archéologue se pencha vers elle et la prit délicatement dans ses bras. Elle enfouit la tête dans le cou de son ami. Une voix les interrompit :
- Sam ?
Daniel et Sam se détachèrent l’un de l’autre. Jacob Carter se tenait dans l’embrasure de la porte. La jeune femme sourit :
- Je me sens bien papa. Tu peux venir.
- Bon, je vous laisse. Sam, le médecin a dit que vous pourriez rentrer chez vous dès aujourd’hui mais Teal’C et moi vous aiderons avec les enfants. Quand vous le souhaitez je vous ramène chez vous, faites-moi signe. A plus tard Jacob.
Le général Carter inclina légèrement la tête et l’archéologue sortit. Le père de Sam s’approcha et se tint debout devant le lit de Sam. Son visage restait impassible. Comme sa voix.
- Tu comptais me le dire quand ?
Sam soupira. A part Teal’C et Daniel, ils s’étaient décidemment tous donné le mot pour lui faciliter la vie. Elle leva ses grands yeux bleus vers son père :
- Je ne sais pas. Bientôt. J’attendais une occasion, nous ne nous voyons pas beaucoup en ce moment, …
- Ah non ! Ne me reproche pas de…
- Je ne te reproche rien !!!! Je ne reproche rien à personne moi ! Mais j’ai moi aussi mes propres soucis et moi aussi je dois vivre avec !
Le visage de Jacob se ferma un peu plus. Il était manifestement mal à l’aise. Il savait qu’il n’avait pas été là, ni pour Michael et Emilie, ni pour Sam. Après un silence, il murmura :
- Et donc le père est….
Il n’arrivait pas à prononcer son nom. En d’autres circonstances, Sam aurait pu trouver cela comique.
- Le colonel O’Neill. Oui.
- Et il a osé t’abandonner…
- Non. Il n’a rien abandonné du tout. Il n’était pas au courant jusqu’à aujourd’hui. C’était…un accident. Une erreur qui ne s’est jamais reproduite. Je ne comptais pas le lui dire. Voilà trois mois que nous ne nous adressons quasiment plus la parole. J’ai demandé mon transfert au Pentagone.
- Mais… pourquoi ? Que s’est-il passé ?
- Il… il a ses propres soucis. Ses propres démons. Je pensais pouvoir l’aider mais personne ne le peut. Il y a des situations... qu’il ne veut plus revivre. Je ne le juge pas, et je ne veux pas que tu le fasses.
Jacob resta silencieux. Sam enchaîna :
- Tu vas rester quelques jours ? Tu vas passer voir Michael et Emilie ? Ils en seraient tellement heureux papa. Et toi aussi je pense.
- Je ne sais pas. Je ne sais pas, Sam.
- Bien. Fais comme tu veux.
Jacob serra brièvement sa fille dans ses bras et quitta l’infirmerie.

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Il posa sa bière – il faudrait en racheter, son stock s’épuisait rapidement - et se dirigea vers la porte. Il resta un instant immobile : Jacob Carter se tenait debout sur le perron. Le regard du Tok’ra n’annonçait rien de bon. Jack soupira :
- J’hésitais entre Daniel et vous. J’aurais parié sur Daniel. J’aurais perdu.
- Je peux entrer ? Il faut qu’on parle.
Jack s’effaça à contrecœur et ils passèrent au salon. Ils restèrent un moment silencieux. Jack était mal à l’aise, Jacob ne le quittait pas des yeux. Le père de Sam demanda finalement :
- Que comptez-vous faire ?
- A propos de quoi ?
- Ah, ne jouez pas à cela Jack ! Vraiment pas ! Je pensais que vous aviez le sens des responsabilités !
- Vous vous êtes trompé, moi c’est le sens de l’humour. Pour les responsabilités, voyez cela avec votre fille.
La réplique était amère. Jacob le foudroya du regard.
- D’après ce que j’ai entendu, votre humour ne fait plus rire personne au SGC ces derniers temps.
- C’est pour vous occuper de mon humour que vous êtes là ?
- Non. C’est pour m’occuper de Sam.
- Il est bien temps.
Jacob se leva, soudain pâle de colère :
- Comment osez-vous ??? Que savez-vous de moi ces derniers temps ? Que…
- Que vous avez perdu votre fils. Et sur le chapitre, je suis passé maître je vous rappelle.
Le général Carter se tut et se rassit. Jack continua plus doucement :
- Je vous l’avais dit Jacob, que ce serait insupportable.
- Oui… Mais je ne pensais pas…
- … que ce serait à ce point. Je sais.
Jacob avait les yeux dans le vide. Le poids des ans sur ses épaules semblait soudain très lourd à porter. Jack aussi se sentit soudain vieilli. Usé. Fatigué. Il se passa une main dans ses cheveux grisonnants. La voix de Jacob s’éleva à nouveau :
- Comment avez-vous fait Jack ? Comment avez-vous survécu ?
- Je ne sais pas. Pas le choix. Le projet Porte des Etoiles s’est présenté pile au bon moment. J’espérais en finir rapidement, et en fait j’ai rencontré Skaara, Daniel, et ensuite Teal’C…
Il hésita. Jacob enchaîna :
- et Sam. Vous me l’avez déjà dit. Je le savais déjà, remarquez. Je crois que je l’ai toujours su. Du jour où je vous ai vus ensemble, du jour où j’ai vu la façon dont elle vous regardait.
Jack faisait tourner dans ses mains la bière qu’il avait reprise. Il fixait un point sur le mur. Jacob continua sans regarder O’Neill :
- Je n’ai jamais eu peur. Je savais qu’aucun de vous n’agirait jamais à l’encontre du règlement. C’était confortable pour moi au départ, vous faisiez attention à elle en mission, j’avais une totale confiance en vous. Je ne pouvais pas rêver voir ma fille en de meilleures mains, à partir du moment où il ne se passait rien entre vous. Mais je crois qu’une fois encore j’ai négligé la souffrance de Sam. Je me rendais bien compte de ce qu’elle éprouvait réellement, mais pendant longtemps j’ai refusé de le voir. Je me disais que cela passerait, qu’elle rencontrerait quelqu’un, un gentil scientifique de son âge. Mais non. Au lieu de cela les liens entre vous étaient plus forts à chaque fois que je vous voyais. J’étais jaloux.
Jack leva les yeux, surpris.
- Oui, jaloux Jack. Jaloux de votre complicité. Jaloux de ces regards que je surprenais entre vous, jaloux de son sourire quand elle vous regardait, jaloux de son rire à la moindre de vos blagues, jaloux de l’admiration dans ses yeux… Moi cela fait des années que je ne comprends plus Sam. Que nous nous sommes éloignés l’un de l’autre. Des années que je ne l’ai pas faite sourire. Depuis la mort de sa mère.
- C’est faux Jacob. Vous ne vous en rendez peut-être pas compte, mais vous êtes proches vous et elle, j’ai pu le constater à bien des reprises. Elle vous aime profondément, elle ne vous en veut pas pour ce qui est arrivé. C’est vous qui mettez cette distance entre vous deux, pas elle.
- Comme vous-même avez mis cette distance entre elle et vous, Jack ?
O’Neill hésita une seconde, puis répondit :
- Pourquoi faisons-nous cela Jacob ? Pourquoi la tenons-nous à distance ?
- Peut-être parce qu’elle veut notre bonheur à tous les deux et que nous en avons…
- … peur, acheva Jack.
- Oui. Et au final, qu’y gagnons nous ?
- Rien. On la fait souffrir. Et c’est peut-être cela qui nous détruit, en fait, Jacob.
- Peut-être. Peut-être devrions-nous lui laisser une chance de nous sauver.
- Peut-être Jacob.
Les deux hommes se regardèrent. Jack se leva :
- Je vous offre une bière ?
- Merci.
Jack revint de la cuisine avec deux bières et se rassit. Jacob reprit :
- Le jour de l’enterrement de Mark, vous m’avez rappelé que j’avais encore Sam, alors que vous aviez tout perdu à la mort de votre fils. Ce n’est plus vrai aujourd’hui, Jack.
O’Neill ne répondit pas et avala une gorgée de bière.
- Ne me dites pas que vous ne comptez rien faire Jack, je ne vous croirai pas. Je sais que vous n’abandonneriez jamais Sam, ni avant ni maintenant.
- Elle ne voulait pas me le dire, Jacob. Sans la mission, sans Daniel, je ne serais pas au courant, je ne l’aurais peut-être jamais été. Elle veut partir à Washington. Peut-être est-il vraiment trop tard, et cela je ne peux pas lui en vouloir. Et puis, je ne vais pas discuter de cela avec vous, mais… nous n’avons pas vraiment été ensemble, … enfin…
Jack se passa à nouveau nerveusement la main dans les cheveux, la situation le mettait très mal à l’aise. Jacob acheva avec un léger sourire :
- Jack, cela près de fait sept ans que vous êtes ensemble.

Jacob Carter se leva.
- Je vous laisse, je dois aller embrasser mes petits-enfants. Merci pour la bière.
Il sortit. Jack leva les yeux et vit la photo sur le bar en face de lui. La photo de lui avec Charlie. Le colonel O’Neill sourit.

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Quand Jack frappa à la porte de chez Sam, ce fut Daniel qui ouvrit et dit simplement après un instant de silence :
- Jack.
Le visage de l’archéologue était parfaitement impassible. Les deux hommes se regardèrent. O’Neill demanda :
- Carter et les enfants sont là ?
- Michael et Emilie sont au zoo avec Jacob. Sam s’est…absentée. Elle avait rendez-vous à l’hôpital militaire. Je suis passé déposer des dossiers et attendre qu’elle revienne.
Jack fronça les sourcils :
- Je croyais que tout allait bien…
- Tout va bien. Elle passe sa première échographie.
Les deux hommes restèrent immobiles face à face. Jack demanda doucement :
- Pourquoi n’êtes-vous pas allé avec elle ?
- Je le lui ai proposé, elle n’a pas voulu. Après tout, je n’ai rien à y faire.
L’archéologue sembla hésiter puis ajouta :
- Sam est dans le service du Docteur Martins, une amie de Janet. Elle est déjà partie mais n’a rendez-vous qu’à 15 heures 30.
Jack se passa nerveusement la main dans les cheveux.
- Daniel, je… Vous croyez que…
- Honnêtement je ne sais pas. Mais si vous n’y allez pas vous ne saurez jamais. Au risque de me refaire casser la figure, vous êtes vraiment un idiot Jack.
- Je sais. La mâchoire, ça va ?
- Bien. Vous n’avez plus votre force de jeune homme, vous savez.
Les deux amis se regardèrent en souriant enfin. Jack fit mine de partir, puis se retourna une dernière fois :
- Merci Daniel.

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Ces journaux féminins étaient inintéressants au possible. Mais lever le nez voulait dire voir à nouveau ces trois couples complètement gâteux qui se trouvaient avec Sam dans la salle d’attente. Insupportable. Ces trois types béas, aux petits soins avec les trois jeunes femmes qui arboraient fièrement des ventres déjà rebondis, énervaient Sam au possible. L’un d’entre eux, le lieutenant Tyler, faisait partie du personnel de la base, et l’avait immédiatement saluée quand elle était entrée. Merveilleux… en plus dès le lendemain tout le SGC serait au courant… Mais le summum était les regards compatissants qu’ils lançaient tous vers elle plus ou moins discrètement. La pauvre… une mère célibataire sûrement…

Elle lisait pour la troisième fois un article sur l’intérêt du lait maternel, sans retenir quoi que ce soit de ce qu’il racontait.

La porte de la pièce s’ouvrit une fois de plus et Tyler bondit sur ses pieds. Sam leva les yeux et découvrit Jack qui la regardait, debout dans l’encadrement de la porte. Le colonel O’Neill articula à l’adresse de Tyler :
- Repos.
Les regards des trois couples allaient maintenant de Sam à Jack, qui s’était avancé, mal à l’aise, vers la jeune femme. Elle le regardait, impassible. Il articula très doucement :
- Daniel m’a dit où vous étiez. Si vous voulez que je reparte…
A ce moment le médecin entra à son tour et demanda à Sam de la suivre. Celle-ci se leva lentement et attrapa son sac sans quitter Jack des yeux. Le médecin suivit le regard de la jeune femme vers le colonel et demanda :
- Major Carter… qui est…
- Je suis le colonel O’Neill, le père du bébé.
Jack avait dit cela très naturellement. Sam se figea. Jack eut soudain peur de la réaction de la jeune femme, peur d’avoir pris une place qu’elle ne voulait peut-être pas lui donner… Peut-être qu’elle ne voulait pas que cela se sache, peut-être en avait-il trop dit. Peut-être ne voulait-elle plus de lui, plus d’eux. Peut-être…

Mais elle sourit et dit doucement :
- On vous suit Docteur.

Ils sortirent tous les trois de la salle d’attente sous les regards médusés des six personnes qui s’y trouvaient toujours.
Le lieutenant Tyler était bouche bée.

Sam regardait droit devant elle en suivant le médecin dans le couloir. Jack murmura à ses côtés :
- Je suis désolé… je ne voulais pas vous mettre dans une situation embarrassante. Je suis passé chez vous, et quand Daniel m’a dit où vous étiez…
- Vous avez le droit d’être là.
Elle s’arrêta et leva les yeux vers lui. Ils étaient devant le bureau du médecin. Celle-ci leur jeta un coup d’œil et les précéda. Ces deux-là avaient manifestement besoin de discuter deux minutes. La voix de Sam était très calme et déterminée :
- Seulement si vous êtes là aujourd’hui il faudra être là après, pour lui ou elle.
- Et pour vous, Sam ?
Elle hésita :
- Moi… enfin… ce n’est pas la question pour le moment. La question, c’est est-ce que VOUS vous voulez venir ? Si c’est pour moi, ou uniquement par respect de je ne sais quelles obligations, vous pouvez partir, je ne vous le reprocherai pas. Je préfère même que vous partiez dans ce cas.
- Je ne partirai plus.
Les yeux bruns étaient fixés sur elle. Jack était parfaitement calme, presque triste. Sam refoula les larmes qu’elle sentait monter et ils entrèrent dans le bureau du médecin.

Le docteur Martins ne fit aucun commentaire. Quand elle demanda à la jeune femme si elle avait besoin d’explications sur le fonctionnement de l’échographie, Jack et Sam se regardèrent en souriant et Sam dit simplement :
- Non, merci Docteur, je connais un peu.
Leurs sourires s’agrandirent davantage quand le médecin découvrit dans le dossier qu’aucune prise de sang n’avait été faite à l’hôpital et qu’elle demanda :
- Votre sang est classé secret défense ou quoi ?
- C’est un peu cela, Docteur. Mais je suis très bien suivie à la base, et ils ont dû vous transmettre toutes les analyses.
- Oui. Et à priori pas de problème. Bon, et bien passons aux choses sérieuses.

Sam était à présent allongée sur la table d’examen, son T-shirt relevé et le liquide froid étalé sur son ventre encore plat. Jack était debout à côté d’elle. Il croisa son regard pendant que le médecin finissait les derniers réglages. Sam fronçait les sourcils et paraissait extrêmement nerveuse. Il lui dit avec un sourire en coin :
- Et bien Carter, détendez-vous, ce n’est pas la première radio que vous passez, non ?
Elle lui jeta un regard noir et s’apprêtait à lui répondre quand le médecin posa un instrument sur son ventre et qu’un bruit emplit la pièce.

Des battements de cœur.

Sam resta bouche bée. Jack s’assit instantanément et prit la main de la jeune femme dans la sienne. Elle la serra. Ils regardaient tous deux l’écran du moniteur en silence pendant que le médecin commençait à leur donner les explications nécessaires.

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Jack n’avait plus parlé. Sam avait posé quelques questions distraites au médecin après l’échographie. Tout allait très bien. La tension de Sam était un peu élevée, elle devait se ménager, mais rien d’important.

Jack et Sam marchaient maintenant tous deux en silence sur le parking de l’hôpital vers la voiture de la jeune femme. Elle regardait les clichés que le médecin lui avait remis. Jack prit doucement les clés de voiture des mains de Sam :
- Je vous ramène chez vous ?
Elle leva ses yeux bleus vers lui et sembla sortir de sa torpeur :
- Mais… et votre voiture ?
- Je reviendrai la prendre plus tard. Alors ?
- C’est d’accord.
Jack sourit et lui ouvrit la portière.

La maison était vide. Daniel avait laissé un petit mot comme quoi il avait du partir, il avait oublié qu’il avait quelque chose à faire et repasserait plus tard. Jack et Sam sourirent devant le mensonge éhonté de l’archéologue.

Sam rangea les radios dans son bureau et se tourna vers Jack :
- Je vous sers une bière ?
- Avec plaisir.
Elle revenait avec une bière et un verre d’eau quand elle s’arrêta net à l’entrée du salon. Jack fronça les sourcils :
- Quoi, qu’est-ce qu’il…
Elle éclata en sanglots. O’Neill se précipita vers elle, lui ôta les boissons des mains, les posa sur un meuble et prit délicatement la jeune femme dans ses bras. Elle hoquetait :
- Je suis désolée… Je ne sais pas… Tout cela…
- Quoi ? Le fait d’avoir tout à coup trois enfants dont un avec votre ex-officier supérieur ? On a connu des situations plus graves ensembles, Carter !
Elle rit au milieu de ses larmes. Ils allèrent s’asseoir côte à côte sur le canapé. Sam murmura en fixant ses chaussures :
- Je ne sais pas ce qui arrive. Depuis la mort de Mark, j’ai l’impression que tout s’accélère et que je ne contrôle plus rien. Papa, les enfants, vous…
- Je sais. J’ai la même impression. Et vous et moi avons tous deux toujours détesté ne rien contrôler, Sam.
- Oui. Et maintenant le bébé… Je ne sais pas, je crois que je viens seulement de réaliser. Après Jolinar, j’avais toujours évité de penser aux répercussions que cela avait pu avoir sur moi. J’avais refusé que Janet me fasse passer des examens à ce sujet. Et puis, tout à coup, alors qu’on a passé une seule nuit ensemble…
- C’est vrai qu’on est doués !
Elle leva les yeux vers Jack qui souriait et secoua la tête :
- Mon colonel, vous êtes vraiment insup…
- Jack.
- Quoi ?
- Jack. Appelez moi Jack. Je vous autorise à utiliser mon prénom, mais c’est bien parce que vous portez notre enfant, Sam !
Elle sourit. Jack redevint alors sérieux :
- Je suis désolé Sam. Je dois bien avouer que Daniel avait entièrement raison, comme toujours : je me suis conduit comme un beau salaud ces trois derniers mois. Si vous jugez que c’est trop tard pour… pour nous, je comprendrai. Mais vous pouvez compter sur moi pour le bébé, je serai là. Je crois que j’ai eu peur. Je ne suis pas très habitué à… enfin…
Il cherchait ses mots. Sam murmura :
- Très habitué au bonheur ?
- Oui. Je crois que c’est ça, répondit O’Neill avec un petit sourire.
- Moi non plus Jack. Mais j’ai très envie d’essayer. Et je ne pourrai pas y arriver sans vous.
- Ne vous inquiétez pas, je vous ai promis que je serai là…
- Pour le bébé, je sais. Mais ce n’est pas de cela que je parlais.
Jack sentit ses battements de cœur s’accélérer. Il avait peur de mal comprendre. Ou peur de ne comprendre que ce qu’il avait envie d’entendre.
Sam vit la peur dans les yeux bruns et sourit. Elle approcha alors doucement son visage du sien, ferma les yeux et embrassa Jack timidement. Comme il ne semblait pas réagir, elle s’écarta légèrement. Son mouvement ramena O’Neill à la vie ; il prit le visage de Sam dans ses mains, sourit et l’embrassa passionnément.

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Jack et Sam étaient enlacés depuis plus d’une heure sur le canapé quand ils entendirent les voitures se garer devant la maison. Quelques instants plus tard, Jacob, Daniel, Teal’C, Michael et Emilie entrèrent. En apercevant Sam et Jack debout dans le salon, le petit garçon s’écria :
- Jack !!!
Il se précipita dans ses bras, suivi de peu par Emilie. O’Neill les serra contre lui et releva la tête. Jacob, Daniel et Teal’C les regardaient en souriant. Le jaffa prit la parole :
- Je suis heureux de vous retrouver enfin, O’Neill.
- Je suis moi aussi heureux de me retrouver, Teal’C.

Sam, un magnifique sourire aux lèvres, s’agenouilla alors et les enfants se tournèrent vers elle :
- Michael, Emilie, j’ai plein de bonnes nouvelles à vous annoncer.

Elle leva ses yeux bleus vers Jack qui la regardait en souriant lui aussi.

Cette fois tout était vraiment à sa place. Tout était vraiment parfait. Et le resterait.

FIN


Si vous avez tenu jusque là, vous êtes obligé de m’envoyer un petit commentaire !

Remarques : je dois l’idée de départ à une fic de Nora, « ascenseur ». Et la scène avec le revolver, quand Jack est fou furieux, vient d’une EXCELLENTE fic américaine intitulée « Good morning campers ». Je vous la conseille si vous lisez l’anglais, elle est fabuleuse. Merci donc aux deux auteurs de m’avoir permis d’utiliser ces passages.